Séminaire de l’ERITA du 14 mars: “ Des martyrs au saints du calendrier » (communication de Johanne Le Ray), suivie de l’AG

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L’Equipe de Recherche Interdisciplinaire Elsa Triolet / Aragon (ERITA) a le plaisir de vous convier à sa matinée d’études le samedi 14 mars à 9 h 30 : 9 h 30 – Communication de Johanne Le Ray (Université Paris-Diderot, CERILAC) : »Des martyrs aux saints des calendriers » 11 h – Assemblée générale de l’ERITA Université Paris Diderot – Paris 7
Site des Grands Moulins
Salle 695
Bât. C, 6e étage (à côté de la salle Albouy) 5 Rue Thomas Mann
75013 Paris Métro Bibliothèque François-Mitterrand (ligne 14) Plan des bâtiments de Paris 7 Plan des bâtiments et de la Faculté LAC en pdf : Plan_ERITA_a_Paris_VII.pdf Des « martyrs » aux saints du calendrier (Présentation de sa communication par Johanne Le Ray) Dans « La Fin du “Monde Réel” », Aragon affirme appartenir « à une catégorie d’hommes qui ont […] toute leur vie cru désespérément à certaines choses ». Si l’engagement politique n’est pas son unique expression, le besoin de croire a manifestement trouvé dans la rencontre avec le communisme une incarnation à la fois providentielle et problématique. C’est dans la poésie de la Résistance, à la faveur d’une guerre comparée par certains à « une sorte de croisade, ou guerre sainte, ou guerre de religion », que cet impératif s’exprime avec le plus de vigueur. Comme retrempée dans l’adversité, l’écriture poétique est le vecteur privilégié d’une foi polymorphe qu’elle reflète autant qu’elle l’alimente. La dimension militante des textes de la Résistance ne doit pas occulter la vocation réflexive de l’élan inhérent à ces poèmes : tout juste démobilisé, le « poète casqué » chante aussi pour se remobiliser. Comme souvent chez Aragon, le langage supplée aux défaillances, à l’inquiétude constitutives de l’être : « […] sans croire même au printemps dès l’automne/ J’aurai dit tradéridéra comme personne ». Quand dire, c’est croire, pourrait-on avancer, pour paraphraser Austin. Et quand croire, c’est faire, mais aussi faire faire. La dimension propulsive de la croyance est en effet explicitement revendiquée et exploitée, les « mythes remis sur leurs pieds [ayant] force non seulement de faire rêver, mais de faire agir ». On a donc affaire à une pragmatique, caractéristique essentielle de la religion selon Durkheim qui y voyait un système de forces autant qu’un système d’idées, et soulignait « l’influence dynamogénique qu’elle exerce sur les consciences ». La guerre, âge d’or de la croyance, consacre une conception de l’écriture qui réclame que l’on croie en une action du langage dans l’histoire. Cette visée pragmatique est doublée d’un mouvement d’hommage à vocation de légitimation politique gravant ce qui restera la geste majeure du PCF, la glorification de ses « martyrs » étant significativement réinscrite dans la perspective des combats d’un peuple pour sa libération, notamment via la référence à la Commune. En témoigne la symbolique très forte attachée au mois de Mai, qui fusionne dans un syncrétisme éloquent la référence au Mur des Fédérés, à la bataille de Dunkerque en mai 1940 et à l’assassinat de Decour, Politzer, Solomon et Dudach par les Allemands en mai 1942. L’inscription dans une lignée qu’il incombe au « fidèle » de perpétuer semble être un enjeu fondamental pour le croyant comme pour le militant. La surexploitation de la figure des martyrs dans les années 50 place massivement l’accent sur la commémoration. La multiplication de poèmes mettant en scène des manifestations de type quasi liturgique induisant une appréhension ritualisée de l’espace (pèlerinages) comme du temps (le « calendrier » des Caravanes) semble signer l’entrée dans le deuxième « moment » de la croyance : celui de l’institutionnalisation du croire par l’activation du culte, et le travail de mise en circulation des signes et figures emblématiques de la foi auquel se consacre alors Aragon fait de lui le gardien du temple, dans une démarche de gestion de l’héritage. De la guerre à la guerre froide, on observe un enchaînement bien connu des analystes des phénomènes religieux : le passage d’un événement effervescent à sa transmission sous la forme d’une institution établie, dans une opposition canonique entre religion « de première main » et religion « de seconde main » (W. James), « religion vivante » et « religion en conserve » (R. Bastide), « religion ouverte » et « religion close » (H. Bergson), « formes élémentaires » d’une société « chaude » et formes consécutives dans une société « refroidie » (Durkheim). La crispation sur la mémoire des martyrs signe donc bien un reflux ou un évidement de la croyance en même temps qu’elle en multiplie paradoxalement les signes extérieurs.

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