Michel Apel-Muller, par Reynald Lahanque
Je dois à Michel de m’être investi durablement dans l’étude des œuvres d’Aragon, bien au-delà des raisons qui m’y avaient d’abord conduit (la question de l’engagement des intellectuels et des écrivains). Et je dois à Bernard Vargaftig d’avoir fait la connaissance de Michel, début 1981 à Nancy, la ville où tous deux avaient été étudiants, et où je le fus à mon tour avant d’enseigner à la Faculté des Lettres.
À plusieurs reprises, j’avais invité Bernard à venir parler devant des étudiants de son travail de poète, ce dont il s’acquittait de façon admirable. Et il m’avait un jour suggéré, puisque j’avais mis Aurélien au programme, de solliciter l’auteur d’une étude récente sur ce roman et le directeur de la collection « Entailles » des EFR où cette étude avait paru. Tous deux répondirent favorablement à ma demande, pour le plus grand profit des jeunes gens qui étaient en train de découvrir qu’Aragon n’était pas que l’auteur de quelques chansons célèbres. J’ai donc rencontré en même temps Michel et Lionel, grâce à Bernard.
Tous trois m’ont prodigué une longue et précieuse amitié, je n’étais pas du sérail, les discussions pouvaient être animées, ils m’ont appris à ne pas tout confondre dans ce qui fut la tragédie de leur grande espérance.
Je dois aussi à Bernard Vargaftig d’avoir été invité à la réunion fondatrice de 1985 (que Suzanne Ravis évoque dans son hommage), et puisque Bernard vient lui aussi de nous quitter, cet été en Avignon, je voudrais réunir dans le même hommage le grand poète qui fut très tôt salué par Aragon et l’infatigable chercheur envers qui nous sommes tous infiniment redevables. Je pense à eux avec le même sentiment de gratitude.
Et de Michel, en plus des qualités et des mérites que ses amis ont rappelés, je retiens à jamais la chaleur et l’humour, la malice du regard, la sûreté du jugement, et l’heureuse sensation qu’il communiquait à ses cadets que l’étude et le débat peuvent aussi être une fête.