Compte rendu par Roselyne Waller d’Aragon et la chanson (H. Bismuth et H. Garric dir.)

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« Vous êtes musical, vous aussi ? »[[Aragon, La Mise à mort, 1965, Folio (1973) : traduction littérale d’une « expression allemande, qui fait complicité de ceux qui le sont, musicaux. », p. 321.]]

Aragon et la chanson : pour un grand nombre de gens le nom d’Aragon est associé systématiquement à des airs chantés, au point qu’une part d’entre d’eux ne connaît vraisemblablement le poète qu’à travers des chansons – c’est, entre autres raisons, de cette intuition, de ce trait original de la réception d’Aragon, qu’est né l’ouvrage qui vient d’être publié sous ce titre par Hervé Bismuth et Henri Garric : Aragon et la chanson[[Ce dossier est le témoignage de la journée d’étude « Aragon et la chanson » organisée le 14 février 2019 dans le cadre du programme biennal « Chanson populaire : pop et folk songs, tubes et zinzin » de l’axe LmM (Littérature, arts mineurs, Arts Majeurs) du Centre Pluridisciplinaire Textes et Culture (CPTC, Dijon). Cette journée a été réalisée dans le cadre d’une collaboration entre l’axe LmM et l’axe Modèles et Discours du Centre Interlangues Texte, Image, Langage (Dijon).]] , Textes et contextes, n° 15.1, 04-07-2020 : https://preo.u-bourgogne.fr/textesetcontextes/index.php?id=2597 On peut même préciser que d’aucuns connaissent ses chansons, particulièrement les « chansons d’amour », sans savoir qu’il en est l’auteur : il arrive de constater, lors d’un mariage, qu’une chanson de Ferrat (Que serais-je sans toi…ou Nous dormirons ensemble…) est programmée pour la circonstance, sans qu’apparaisse le nom d’Aragon. Mais sans doute est-il loisible de considérer que cet anonymat est le signe du plus grand des succès ! Il est vrai, comme le rappellent les auteurs des cinq contributions [[MASSONAUD Dominique, « Radio, guinguettes, chansons et jazz dans le roman aragonien » ; FRANÇOIS-DENÈVE Corinne, « Johnny : l’idole de Louis et d’Elsa » ; BISMUTH Hervé, « La chanson dans Le Roman inachevé » ; DELRANC GAUDRIC Marianne, « Quai de Béthune » : l’air des poètes » ; HIRSCHI Stéphane, « Ferré, le chant inachevé du roman aragonien ».]] , alors même qu’Aragon n’a jamais écrit de textes par lui destinés à être chantés, que de nombreux poèmes d’Aragon ont été mis en musique (plus de deux cents poèmes par plus d’une centaine d’interprètes), non seulement du vivant d’Aragon mais aussi par des artistes contemporains, des groupes appartenant à de nouvelles générations de chanteurs bien différents des premiers. Il est non moins intéressant de rappeler que les poèmes adoptés et adaptés l’ont été par (ou pour) des chanteurs dits de variété ou des chanteurs à texte, et non par des musiciens classiques (même si Poulenc a composé la musique des poèmes « C » et « Fêtes galantes » pour le chant lyrique). Ce qui, tout en méritant réflexion, a très certainement contribué à la popularité des chansons d’Aragon. Il apparaît clairement, en tout cas, qu’écouter et aimer Aragon – attitude qui, peut-on s’amuser à dire, était à une époque quasi nécessairement partie prenante d’un certain militantisme politique – a très largement outrepassé ce dernier. C’est pourquoi ce domaine d’étude critique a déjà été investi, comme l’admettent d’emblée Hervé Bismuth et Henri Garric dans leur introduction à l’ouvrage Aragon et la chanson, tout en revendiquant une originalité dans l’approche des interventions de la journée d’études que le livre se propose de restituer et en précisant que leur démarche s’inscrit dans une interrogation plus globale sur « la place de la chanson dans le champ culturel et artistique». Et certes, aux yeux d’Aragon, la chanson avait sa place dans la vie culturelle ; il aimait la chanson, et singulièrement la chanson populaire, et très tôt l’a défendue et promue dans le cadre des Maisons de la Culture ou dans le journal Ce soir [[Comme le rappelle avec précision D. Massonaud dans la première partie de son article.]] , sans qu’il s’agisse là d’une pose, ou d’un effet d’obédience politique (lié à la valorisation par les communistes de la culture du peuple). Car plus généralement, la voix le fascine, non seulement celle des chanteurs, mais aussi la voix de l’écrivain, et la sienne propre – ainsi qu’il l’écrit dans Les Poètes : « Je ne sais ce qui me possède/Et me pousse à dire à voix haute/[…]/ Ce qui m’habite et qui m’obsède [[ARAGON, Les Poètes, 1960. Souligné par moi.]] ». […] suite sur pdf joint

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P. P.

Patricia Principalli, maître de conférences à l'Université de Montpellier