Appel à contributions: Mémoire d’Aragon dans la littérature contemporaine : quelle transmission ?

Publié par E. C. le

Mémoire d’Aragon dans la littérature contemporaine : quelle transmission ? Appel à contribution pour un volume à paraître dans la collection « Recherches croisées Aragon/Elsa Triolet » aux Presses Universitaires de Strasbourg (PUS) Argument : Le volume s’inscrit dans la perspective d’une étude de la réception de l’œuvre d’Aragon par les écrivains contemporains d’expression française. Si Aragon est désormais une figure institutionnelle de l’histoire littéraire telle qu’elle est enseignée à l’Université, s’il a pu accéder à une forme de « patrimonialisation » (Corinne Grenouillet, 2013), si les hommages et manifestations se poursuivent, notamment à l’occasion d’anniversaires de sa mort (commémorations dans la presse, livres ou spectacles) et s’il a été au programme de plusieurs concours (agrégation des Lettres en 1989 et en 2002, entrée à l’ENS en 2017 et 2019), sa dynamique mémorielle chez les auteurs contemporains paraît aujourd’hui incertaine (Erwan Caulet, 2017). Par ailleurs, l’œuvre elle-même semble de moins en moins diffusée dans les classes du secondaire, comme l’indique l’étude de Josette Pintueles sur les manuels de lycée (2014), quoique la poésie de la Résistance paraisse échapper davantage à cette forme de purgatoire scolaire (Patricia Principalli sur les manuels de collège, 2014). Lors d’une journée « Actualités d’Aragon » organisée en 2007 par Maryse Vassevière, plusieurs écrivains contemporains (Jacques Garelli, Charles Dobzynski, Hédi Kaddour, Pierre Lartigue, Lionel Ray, Jean Ristat, Léon Robel, Bernard Vargaftig) avaient répondu à sa sollicitation et évoqué leur lien à Aragon, soit de filiation, soit d’admiration. Plus récemment, les réponses informelles à un questionnaire adressé par l’ERITA à une vingtaine d’écrivains contemporains ont révélé de forts contrastes (Reynald Lahanque, 2017) : un suspens dans la transmission ou un refus affiché de filiation chez un nombre important d’entre eux et, au contraire, la revendication d’une allégeance chez une minorité non négligeable (souvent des romanciers, se réclamant parfois du poète plutôt que du romancier) qui s’inscrit ouvertement dans l’héritage de l’auteur du Paysan de Paris, du Traité du style et du Roman inachevé ; elles ont également montré d’indéniables effets de génération. Ces premiers coups de sonde dans le champ littéraire contemporain méritent d’être approfondis et surtout systématisés, en les étendant à la poésie, voire à l’essai. Le volume se propose d’explorer plusieurs pistes permettant de mesurer qualitativement, mais aussi quantitativement, la persistance (ou au contraire la disparition) d’Aragon chez les auteurs d’aujourd’hui, dans le cadre d’une histoire littéraire mondialisée. À partir de corpus qui pourraient être constitués rigoureusement au plan méthodologique (lectures prescrites par les médias culturels par exemple), il s’agira, parmi d’autres pistes possibles, d’examiner les citations d’Aragon et les références explicites ou non à son œuvre dans les œuvres actuelles ou au sein de tout dispositif intertextuel ou paratextuel : poèmes, textes de fiction (romans, formes hybrides contemporaines) ou essais d’écrivains (étude de François Bon sur Aragon et Benjamin, 2008 ; essai-conversation de Chantal Thomas évoquant le roman historique et La Semaine sainte, 2006) ; titres (Philippe Forest, Je reste roi de mes chagrins, Gallimard, 2019 ; Pierre Lemaître, Couleurs de l’incendie, Albin Michel, 2018 ; Hervé Le Corre, Prendre les loups pour des chiens, Rivages Noir, 2017 ; Maud Simonnot, La Nuit pour adresse, Gallimard, 2017 ; Bertrand Longuespé, Le Temps de rêver est bien court, Éditions Thierry Marchaisse, 2012); remerciements explicites (Pierre Lemaître, Au revoir là-haut, Albin-Michel, 2013) ; épigraphes de chapitres ou de récits (Didier Blonde, Cafés, etc., Mercure de France, 2019 ; Élise Bussière, Je travaille à Paris et dors à Bruxelles, Bruxelles, Éditions Mols, 2011); citations (Jean-Bernard Pouy, Ma Zad, Gallimard, 2018 ; Yoann Barbereau, Dans les geôles de Sibérie, Stock, 2020)… Plusieurs auteurs ont déjà fait l’objet de travaux approfondis de ce point de vue (Henri Lopès par Anthony Mangeon, 2015 ; Milan Kundera par Reynald Lahanque, 2009) ; des effets de groupe, liés ou non à des revues, ont été bien identifiés par l’histoire littéraire (notice « Tel Quel » du Dictionnaire Aragon, 2019)… Ce volume envisage d’aller au-delà de l’influence de l’écrivain sur un auteur particulier pour dessiner, d’une part, une cartographie de la réception d’Aragon par les écrivains de la fin du XXe et du début du XXIe siècle. D’autre part, il s’agira d’étudier les dynamiques aboutissant à cette mémoire (telles les médiations savantes ou populaires, comme l’édition ou la chanson, les milieux militants, les revues), que ces dynamiques se trouvent associées ou non à l’évolution des genres littéraires (formes hybrides, roman policier ou roman noir contemporain), voire aux évolutions des registres ou du style (polémique, lyrique), et les effets, en retour, de ces mécanismes sur la représentation actuelle d’Aragon et de ses œuvres, en repérant de quel Aragon il s’agit, selon les genres littéraires, le statut de l’auteur ou de l’intellectuel et les périodes retenues. À terme, ce travail entend comprendre et définir les différentes communautés de lecteurs qui se sont constituées autour de l’écrivain et les examiner à l’aune de communautés antagonistes (ou complémentaires) dans le champ littéraire autant qu’académique (aragoniens vs bretoniens ; émergence d’une forte communauté d’écrivains se réclamant aujourd’hui de Perec…) Des études panoramiques sont donc attendues. Au-delà même d’Aragon, ce projet veut interroger théoriquement la mesure de l’influence d’un écrivain, dont on sait par exemple que la réception internationale est marquée par son engagement, et celle des effets de générations (y compris de leur discontinuité). Nous souhaitons ainsi inscrire une politique de la lecture (François Cusset, Stanley Fish) dans la compréhension de l’histoire littéraire contemporaine. Le volume articulera donc une triple démarche, à la fois littéraire, historique et sociologique. Calendrier et contacts: • Les propositions de contributions, d’environ 300 mots, accompagnées d’une bio-bibliographie, sont à envoyer avant le 15 décembre 2020 aux coordinateur-trices du volume : à Josette Pintueles : josette.pintueles@gmail.com, Johanne Le Ray : jleray@parisnanterre.fr et Erwan Caulet : erwan.caulet@laposte.net. Réponse à ces propositions sera donnée au plus tard le 1er février 2021 • Les articles définitifs seront à remettre le 14 juillet 2021 pour une évaluation en double aveugle par le comité de lecture des « Recherches croisées Aragon/Elsa Triolet » et le comité de lecture des Presses Universitaires de Strasbourg. Éléments de bibliographie François Bon, « Aragon lu par Walter Benjamin », blog Le Tiers Livre, 2008, URL : [http://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article1316 ] Pierre Bourdieu, Les Règles de l’art, Seuil, 1992. Pierre Bourdieu, « Le champ littéraire », Actes de la recherche en sciences sociales, 1991, volume 89, numéro 1, p. 3-46. Erwan Caulet, « Faire l’histoire de l’histoire littéraire : jalons pour l’approche du cas Louis Aragon », in Christophe Gauthier, Laurent Martin, Julie Verlaine, Dimitri Vezyroglou (éds.), Histoires d’O. Mélanges d’histoire culturelle offerts à Pascal Ory, Publications de La Sorbonne, 2017. Erwan Caulet, Patricia Principalli et Corinne Grenouillet (dir.), Aragon, trente ans après, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, coll. « Recherches croisées Aragon/Elsa Triolet », 15, 2014. François Cusset, « Lecture et lecteurs : l’impensé politique de la littérature française », Des communautés de lecteurs, Tangence n° 107, 2015, p. 109-128. [en ligne sur erudit.org : [https://www.erudit.org/fr/revues/tce/2015-n107-tce02164/1033953ar/]] Stanley Fish, Quand lire c’est faire, l’autorité des communautés interprétatives, Paris, Les Prairies ordinaires, 2007. Corinne Grenouillet, « Aragon, monument national », 2013, [en ligne sur La Vie des idées, 16 janvier 2013, https://laviedesidees.fr/Aragon-monument-national.html]. Maryline Heck (dir.), Filiations perecquiennes, Bordeaux, Le Castor Astral, 2011. Nathalie Heinich, L’Épreuve de la grandeur : prix littéraires et reconnaissance, Paris, La Découverte, 1999. Reynald Lahanque, « Aragon et Kundera : « La lumière de La Plaisanterie » », Recherches croisées Aragon/Elsa Triolet, n° 12, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2009. Anthony Mangeon, « Henri Lopes au miroir d’Aragon », dans Pour un récit transnational : La fiction au défi de l’histoire immédiate, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 217-231. Nathalie Piégay et Josette Pintueles (dir.), Dictionnaire Aragon, Champion, 2019. Josette Pintueles, « Aragon dans les manuels de lycée », dans E. Caulet, C. Grenouillet et P. Richard-Principalli (dir.), Aragon trente ans après, coll. « Recherches croisées Aragon/Elsa Triolet », n° 15, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2014, p. 55-71. Patricia Principalli, « Aragon dans les manuels de l’école et du collège : un auteur « classique  » ? », dans E. Caulet, C. Grenouillet et P. Richard-Principalli (dir.), Aragon trente ans après, coll. « Recherches croisées Aragon/Elsa Triolet », n° 15, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2014, p. 43-53. Chantal Thomas, Chemins de sable. Conversation avec Claude Plettner, Bayard, 2006. Alexandra Vasic, Université Paris 13, « La mort de Louis Aragon dans la presse : anamorphoses du vivant, le passé revisité. », communication à la Journée d’études de l’ERITA, « Trajectoires sociolittéraires et médiatiques », Université Paris Diderot, 17 mars 2018. Maryse Vassevière, dossier « Actualités d’Aragon », Recherches croisées Aragon/Elsa Triolet, Presses Universitaires de Strasbourg, n° 12, 2009. Alain Viala, « Qu’est-ce qu’un classique ? », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), n°1, 1992, p. 6-15. Dominique Viart, « Histoire littéraire et littérature contemporaine », Tangence n° 102, L’Histoire littéraire du contemporain, 2013, p. 113-130.

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E. C.

Docteur en histoire, Chercheur associé au Centre d’Histoire sociale des mondes contemporains (Paris-I), Professeur en lycée.