Bibliographie des thèses soutenues depuis 2010

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Bibliographie des thèses sur l’œuvre d’Aragon depuis 2010

Les thèses sont présentées selon un ordre chronologique inversé. La plupart des résumés proviennent du fichier national des thèses (Nanterre – « Doc-thèse ») et/ou ont été rédigés par les auteurs.

Dernière mise à jour: 14 novembre 2023 – Merci de signaler tout oubli à :
Corinne Grenouillet

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La liste et le résumé des thèses soutenues entre 1972 et 2010 figurent sur une autre page. Cliquez ici

2020 – Le nom du poème, Aragon et le Fou d’Elsa. Fernand SALZMANN, dir. Nathalie Piégay, Université de Genève.
Lire un résumé détaillé ici.

2018 – Aux origines du surréalisme (1917-1924). « Un nouveau temps du verbe être ». Damiano DE PIERI, dir. Marie-Paule Berranger (Université Sorbonne Nouvelle) et Rosanna Gorris (Université de Vérone).
Cette thèse se propose de reconsidérer la naissance du surréalisme dans la période entre 1917 et la publication du Manifeste du surréalisme en 1924. La première partie se concentre sur les années 1917-1918 et montre comment Aragon, Breton et Soupault ont tissé leurs réseaux pour s’insérer dans le champ littéraire avant de créer la revue Littérature. En même temps le désir et la nécessité de publier pour atteindre la légitimité entrent en conflit avec un esprit de groupe et des exigences différentes révélant une délicate stratégie entre adhésion et subversion. Le prétexte d’un essai sur le lyrisme demandé par Reverdy à Breton est l’occasion de mesurer la distance qui se creuse entre les trois amis et la génération des poètes aînés afin d’apprécier les chemins qu’ils ont emprunté pour renouveler l’écriture de la poésie en allant vers l’horizon plus ambitieux d’une critique du langage. Dans la deuxième partie, qui traite des 1919-1924, est d’abord considéré le rapport entre la poésie et l’espace public à la lumière de l’essor de la presse. Enfin, à partir des revues artistiques et littéraires est esquissée une cartographie des tendances esthétiques et idéologiques d’où émerge le surréalisme. Le corpus est constitué par les revues qui « entourent  » Littérature, c’est à dire qui forment le premier cercle autour de cette revue, au sens où elles sont mentionnées dans les rubriques consacrées aux revues et où elles accueillent parfois la signature des poètes du sommaire. Cet échantillon représentatif du champ littéraire permet de montrer le socle commun du surréalisme naissant aux modernistes et aux avant-gardes et, inversement, les lignes de fuite qui les distinguent. Cette étude s’inscrit ainsi à la croisée de la sociologie, de l’histoire et de la poétique.

2018 – Anthropologie et esthétique du croire dans l’œuvre poétique d’Aragon,
du Crève-cœur au Fou d’Elsa (1939-1963). Johanne LE RAY, dir. Nathalie Piégay, Université Paris Diderot

Cette thèse a pour objet le rapport d’Aragon à la croyance à travers l’examen de son œuvre poétique, du Crève-cœur au Fou d’Elsa. Si l’engagement n’est pas son unique expression, l’amour fonctionnant comme pôle d’attraction complémentaire, le besoin de croire a trouvé dans la rencontre avec le communisme une incarnation à la fois providentielle et problématique, qui met l’œuvre à l’épreuve. Après avoir analysé la façon dont la « rupture de cadre » due à la guerre permet à Aragon de renouer avec la poésie, vecteur privilégié d’une foi polymorphe qu’elle reflète autant qu’elle l’alimente, on voit le poète prendre pleinement la mesure de son rôle et endosser la posture hugolienne du prophète, assignant à l’écriture une vocation pragmatique très forte tout en faisant fond sur un syncrétisme éblouissant qui mêle constamment références religieuses et enjeux politiques de défense nationale. Cette période effervescente se clôt avec l’entrée dans la Guerre froide, qui se caractérise par une démarche gestionnaire des emblèmes plus spécifiquement communistes et la dégradation du poème en catéchèse, sur fond de dénégation de la crise de la croyance. C’est en affrontant poétiquement cette crise, en faisant place aux étranglements de la voix, que Le Roman inachevé peut la surmonter, livrant un constat lacunaire et ambivalent sur la perte de l’utopie. Le tournant mystique pris par Le Fou d’Elsa permet de figurer par le destin de Grenade la tragédie de l’Histoire et de préserver, au prix de la déréalisation de l’objet aimé, la passion d’un absolu désormais orphelin de toute incarnation politique.
Mots clés : communisme, croire, croyance, amour, politique, poésie, éthique, pragmatique, mythe, orthodoxie, marxisme, mystique, absolu, Histoire, mémoire, Seconde guerre mondiale, Résistance, Guerre froide.
Résumé en anglais
This doctoral thesis explores the complex set of beliefs espoused by Louis Aragon in his poetical oeuvre from Le Crève-coeur to Le Fou d’Elsa. He drew his inspiration from love and the support for the communist cause. Aragon’s life-long commitment to communism was providential and problematic – it put his literary prowess to the test. This thesis examines how the second world war marked a turning point in his life and how it prompted him to resume writing poems. He became a prophet who relentlessly paced his quarterdeck bellowing hugolian stanzas that combined religious references with national politics. In his poems the captain-prophet spelt out the grammar of the all-encompassing communist militant. Aragon then rethinks the role of the poem and transcends its limitations, his aesthetics being based on efficiency. These times came to an end with the advent of the cold war during which he doggedly preached the gospel of communism. His poems recited the catechism and painted the glorious emblems of his faith. He confronted the crisis as a poet and overcame it in Le Roman inachevé by denouncing in an ambivalent whisper the demise of the utopian ideal. In Le Fou d’Elsa Aragon mustered his mystical powers to reveal the tragic dimension of History through the ordeal and fall of Grenada. He was intent on preserving and reaffirming the preeminence of the passionate search for an absolute now devoid of any political motive.
Key-words: communism, belief, love, politics, poetry, ethics, efficiency, myth, orthodoxy, Marxism, mysticism, absolute, history, memory, World war II, French Résistance, Cold war.
Lire le discours de soutenance de Johanne Le Ray

2017. La politique du chant dans les œuvres de L. Aragon et de P. Neruda. L’art comme conquête. Margaux VALENSI, dir. Isabelle Poulin, Université de Bordeaux Montaigne
Face aux grands drames historiques du XXe siècle, Louis Aragon (1897-1982) et Pablo Neruda (1904-1973), deux poètes communistes, amis dans la vie, développent à travers leur œuvre une conception de la poésie et de l’art en général comme une conquête, qu’ils nomment « chant ». Bien qu’il renvoie au lien séculaire entre musique et poésie, le « chant », que la thèse prend pour objet, n’est ni réductible ni à la musique ni au texte. Pour eux, le chant est le symptôme de l’unité fondamentale de l’art et de la vie et peut constituer une expression valant dans n’importe quelle sphère de l’activité artistique. Cette étude défend l’hypothèse selon laquelle le chant est d’abord une énergie qui non seulement fonde le texte littéraire, mais irrigue également les autres arts, et notamment les arts plastiques. La thèse propose ainsi de réinterroger ce que l’on appelle « chant » à travers deux œuvres originales qui cherchent à redessiner des communautés politiques et esthétiques, à l’échelle nationale et internationale. En saisissant d’abord leur œuvre par le dehors, l’étude met en lumière les étapes de la fabrique du chant à partir de deux manières de relier les espaces poétiques et politiques : celui de l’histoire littéraire et artistique et celui de la traduction. Ensuite, la thèse se fonde sur une approche poétique pour examiner de l’intérieur le chant sous l’angle de l’énergie. Si le chant semble indéfinissable, c’est aussi parce qu’il n’est pas une forme ni même un genre à proprement parler, mais l’expérience sensible d’une présence partagée. Démesurée, l’énergie du chant défie les cadres de la représentation pour s’afficher comme une expression. C’est sous ce dernier prisme que l’étude inscrit le chant dans un horizon qui outrepasse la poésie et le confronte à des problématiques visuelles en convoquant les écrits sur l’art de l’un et de l’autre, de rares livres illustrés par les peintres muralistes (Siqueiros, Rivera, Venturelli et Léger) et en examinant de près les extensions du chant (le livre, le mur et la tapisserie), afin d’identifier la communauté d’enjeux entre ce que nos poètes appellent « chant » et des réalisations plastiques majeures du XXe siècle.

2016 – “Dieses seltsame Mischgebilde von Haus und Strasse“. Die Passage une ihre Darstellung bei Louis Aragon und Walter Benjamin. Anne Christine BUSSARD, dir. Edith Anna Kunz et Irene Weber Henking, Université de Lausanne
Titre en français : »Ce mélange étrange de maisons et de rues”. Le passage et sa représentation chez Louis Aragon et Walter Benjamin. »
Le présent travail étudie la relation entre le Livre des passages (1927-1940) de Walter Benjamin et l’œuvre qui se trouve à l’origine des réflexions de Benjamin : Le passage de l’Opéra (1924) de Louis Aragon, paru dans Le Paysan de Paris (1926). A partir de la présentation de l’objet commun, ce travail analyse l’influence exercée par le texte d’Aragon sur l’étude des passages parisiens de Benjamin, ce dernier s’inspirant tout d’abord largement des descriptions surréalistes d’Aragon pour plus tard s’en distancier explicitement. Alors que la proximité initiale avec Le passage de l’Opéra – Benjamin en traduit quelques extraits en 1927 ou en 1928 – est démontrée aux niveaux thématique, formel, poétique et esthétique, une approche historique de l’espace permet de rendre compte de ces liens dans les textes ultérieurs de Benjamin. Dans ce contexte historique, le passage se transforme d’un palais féérique et d’un monde sous-marin onirique en un temple du capital marchandises et en un espace de vie collectif. Ce sont avant tout les images et les motifs qui rapprochent les premiers écrits de Benjamin des descriptions d’Aragon du passage comme aquarium humain et comme monde onirique surréaliste. Dans les textes ultérieurs de Benjamin, ce sont ses réflexions architecturales historiographiques qui forment un lien avec Le passage de l’Opéra. L’analyse montre que l’aquarium et l’intérieur présentent non seulement des similitudes architecturales, mais qu’ils sont liés par Benjamin qui utilise la même terminologie pour décrire l’espace de vie des poissons et des hommes. Avec la constellation « passage, aquarium, intérieur », trois concepts qui se forment au XXe siècle, les descriptions de Benjamin montrent le rapport évolutif entre ces notions de l’espace. D’une part l’aquarium fait son apparition à la fin du siècle comme « mer en bocal » dans les salons bourgeois, la galerie en verre se transformant d’un aquarium métaphorique en une habitation. D’autre part, grâce à des nouveautés architecturales, l’aquarium se rapproche de plus en plus de la forme architecturale de l’ « aquarium humain » décrit par Aragon, l’intérieur devenant un passage transparent. A l’histoire de ces espaces, Benjamin ne joint pas seulement la présentation du passage comme « mélange étrange de maisons et de rues ». Avec la classification historique du passage comme précurseur des édifices modernes en verre, l’ambivalence spatiale du début du XXe siècle gagne aussi une composante temporelle que Benjamin développe comme espace historique, ceci sur la base des images mythiques et archaïques d’Aragon. A l’aide d’éléments de l’espace et de l’histoire de l’espace – qui sont représentés au moyen d’un langage de l’entrelacement, de l’imprégnation et de la superposition décrivant aussi bien l’expérience des passages surréalistes oniriques que la conception lucide de l’espace de l’ « architecture moderne » – ce travail montre comment Le passage de l’Opéra influe sur le Livre des passages, ceci depuis les premiers textes de Benjamin à caractère surréaliste jusqu’à ses écrits ultérieurs orientés sur l’histoire et les matériaux.
Présentation en allemand

2015. La petite bibliothèque rouge : Portrait de l’intellectuel communiste français en critique littéraire au temps de la Guerre froide. Erwan CAULET, dir. Pascal Ory, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne
La thèse examine ce que signifie être intellectuel et communiste à travers le cas du critique littéraire. Dans ce but elle reconstitue « l’ordre des livres » communiste lors de la première Guerre froide (milieu des années 1940-milieu des années 1950). Après une présentation liminaire du contexte d’exercice et d’écriture de la critique littéraire d’« expression communiste » en Guerre froide, une première partie dresse un panorama de cette critique et de ses caractéristiques dans l’avant-Guerre froide et un contexte encore de basses eaux idéologiques. Puis la thèse étudie son durcissement et sa « pamphlétarisation », son anti-américanisation : son entrée en Guerre froide. Une troisième partie restitue le déploiement bibliographique, la « petite bibliothèque rouge » communiste de Guerre froide qui en découle, tandis que la dernière partie brosse les variantes, la crise larvée et l’ébauche d’inflexion du milieu des années 1950 de cette critique littéraire. Il résulte de ce parcours un portrait du critique littéraire communiste en « penseur d’orthodoxie » des livres et des auteurs, aux tendances « publicistes » fortes et un aperçu de la « culture littéraire » communiste : réaliste social(ist)e, soucieuse de thématiques issues du quotidien, des luttes politiques et sociales en France et dans le monde, dix-neuviémiste dans ses références esthétiques et littéraires, soucieuse d’efficience politique et sociale, anti-formaliste sur les plans esthétique et thématique…
Mots-clés : communisme, intellectuel communiste, critique littéraire communiste, réalisme socialiste, Parti communiste français, France 1945-1955, Guerre froide

2015. L’art de la dérive dans l’œuvre romanesque d’Aragon. Emmanuel CORDENOD-ROIRON, dir. Nathalie Piégay-Gros, Université Paris-Diderot (Paris 7)
Une force anarchique traverse les romans d’Aragon, de façon surprenante chez un auteur dont on se rappelle en particulier la soumission à son parti. Dans ce vaste ensemble de démesure et de liberté textuelles, nous avons découvert un phénomène d’écriture original, puisque sans exemple littéraire : par moments, la plume d’Aragon s’emporte selon un mouvement propre − travaillé, tant la prose devient éblouissante − sans principe directeur, de façon purement expressive – au contraire, donc, des digressions par nature explicatives. Ces passages que ni Aragon, ni la critique n’avaient rapprochés, nous les avons appelés dérives, car seule cette image aragonienne pouvait en rendre compte au plus juste. Ces dérives se révèlent être de véritables épiphanies de l’auteur lui-même, ouvrant secrètement le roman à un roman lyrique de soi. Loin de l’éclatement du moi qu’on aurait pu attendre, Aragon se retrouve au contraire lorsqu’il dérive, ce qui explique l’unité saisissante – de forme comme de contenu – des dérives entre elles, et la permanence du phénomène dans ses romans, à des degrés divers. Notre auteur jubile à exprimer une face cachée de lui-même, tout en se rendant en définitive insaisissable. Le romancier et le poète se trouvent ainsi réunis, mais de façon inédite, au-delà de chacun des deux genres, la dérive n’apparaissant pas dans la poésie. Nous avons commencé par délimiter la notion par comparaison avec les formes a priori connexes de la digression, de l’écriture automatique et de l’écriture associative. Puis ce sont les enjeux de la dérive que nous avons analysés, en considérant successivement la narration, la composition et la réception des romans.

2014. Sémiostylistique de l’œuvre poétique de Louis Aragon. Hind SOUDANI, dir. Christelle Reggiani, Georges Molinié, Samia Kassab-Charfi, Université Paris 4/Université Tunis 1
Les concepts de topos, graphè, éthos et pathos contribuent activement à marquer la singularité d’une œuvre poétique, en l’occurrence, dans le cadre de notre thèse, celle de Louis Aragon (1897- 1982).Aragon fut l’inspirateur de compositeurs et d’interprètes comme « Kosma, Douai, Ferré, Ferrat, Brassens, Claveau, Montand, Trenet, Béart, Morelli, Martin, Ogeret ». Il déclare même qu’il aime qu’on lise ses poèmes mais préfère qu’on les chante. Outre l’importance de la dimension visuelle, la composante sonore et rythmique s’avère elle aussi capitale dans la perception et la réception de la poésie d’Aragon. C’est la raison pour laquelle nous avons opté dans notre thèse pour une étude analytique sémiostylistique et lexico-sémantique de l’œuvre poétique aragonienne.La sémiostylistique est « l’étude du fonctionnement sémiotique du style d’un texte ». En nous inspirant des travaux de G. Molinié, nous avons tenté d’analyser le « conglomérat lexico-syntactico-rhétorico-thématique » qui caractérise la poésie aragonienne en tentant d’ « apprécier la littérarité » des « segments occurrents, et [de] détecter leur spécificité ». Cela nous a permis de poser la question des conditions de la littérarité, de sa mesure, de sa valeur à réception et donc de l’effet de l’art à travers des procédés d’unité ou, au contraire, de subversion.
Résumé en anglais
The concepts topos, graph, ethos and pathos actively contribute to highlight the singularity of a poetic work, such as that of Louis Aragon (1897-1982), the object of study of the present thesis. Aragon inspired many composers and singers such as « Kosma, Douai, Shoed, Ferrat, Brassens, Archstone, Montand, Trenet, Béart, Morelli, Martin, Ogeret ».He even declares that he likes that his poems to be read but prefers are sung. Apart from the importance of the visual dimension, the sound and rhythmic components are also capital in the perception and the reception of the poetry of Aragon. This is why I opted in the present thesis for a semiostylistic and lexico-semantic analytical study of Aragon’s works of poetry. Semiostylistics is « the study of the semiotic operation of the style of a given text ». Inspired by the works of G. Molinié, I tried to analyse the « conglomerate of lexico-syntactic, rhetorical and thematic characteristics » of Aragon’s poetry while trying « to appreciate the literariness » of the « occurring segments, and to detect their specificity » which enabled me to explore the conditions of the literary value, its measurement, its value at reception and, thus, the effect of art through the processes of unity or, on the contrary, subversion.

2014. Le Roman de l’art chez Aragon : l’essai aux frontières de la fiction. Julie MORISSON, dir. Henri Scepi et Luc Vigier, Université de Poitiers
Résumé en français
Ce travail de recherche vise l’exploration de la prose critique et romanesque des années soixante chez Aragon dans une optique qui prend en compte les correspondances et les déplacements en réorganisant le système générique. En mobilisant les notions d’anachronisme et de défiguration Aragon réinvestit la notion de transgénéricité en suivant une poétique de la collusion des paroles et des espaces qui transforme l’écriture en réseau organique. Le partage des genres s’opère au sein d’une dynamique de circulation de codes, de paroles et de motifs prégnants contrôlée par une langue qui tente de contenir les enjeux d’une pensée de l’art. Cette parole qui raccorde la critique d’art et le roman s’impose ainsi comme une langue de l’art à la fois invisible et fuyante. Notre travail consiste donc à en saisir les contours, les modalités, les accents et les formes afin d’examiner comment elle engendre la mutation du récit romanesque à mesure qu’elle s’introduit en son sein, édifiant un véritable roman de l’art. Les enjeux théoriques qui innervent le roman s’expriment par une pensée graphique qui puise dans la critique les moyens de son expression. Dans un mouvement inverse, la langue de l’art déclenche des modifications dans la critique qui s’impose dès lors comme un espace prépondérant de l’hybridité. Aragon tente d’exprimer une théorie de l’art tout en retenant la pensée esthétique qui laisse place à des images poétiques à forte imprégnation picturale. Le déplacement des genres s’exprime dès lors en partage des espaces artistiques. Les arts, la critique et le roman communiquent ainsi par une cinétique qui met en oeuvre une pensée théorique dans une prose lyrique et romanesque. La transversalité s’effectue donc par expansions successives qui sculptent les espaces de paroles suivant une poétique de la plasticité. Cette écriture de translations et de permutations dessine un réseau de ramifications qui nous permet d’envisager ensemble la critique et le roman comme les espaces divers d’une même parole à la fois esthétique, romanesque et poétique. L’art s’écrit désormais dans une connexion des voix et des territoires : il se raconte sous forme de roman.

2013. Surréalisme africain et surréalisme français : influences, similitudes et différences. Magali RENOUF, dir. Philippe Chardin, Université de Tours
Le surréalisme africain nécessite d’interroger la part de l’influence du surréalisme français. La terminologie implique, en effet, un lien entre l’écriture africaine et le mouvement français. Ce lien est mis en place à la fois par la critique et par les dialogues entre les deux univers. Senghor incite à considérer la part indépendante de ce surréalisme en évoquant un surréalisme négro-africain. Nous dégageons alors, derrière d’apparentes similitudes, des différences notables qui révèlent un surréalisme au service d’une compréhension du monde purement africaine. Le surréalisme africain serait l’expression de la perception traditionnelle africaine dont la forme s’apparente à celle mise en place par le mouvement parisien sans qu’il y ait nécessairement eu influence.
Résumé en anglais
African Surrealism requires the question from the influence of French surrealism. Terminology implies, indeed, a link between African writing and the French movement. This link is established by both critics and the dialogues between the two worlds. Senghor encouraged to consider independent part of this surrealism evoking a black negro-african surrealism. We disclaim then behind apparent similarities, differences which reveal a surrealism in the service of understanding the world purely African. African surrealism is an expression of the traditional African perception whose shape is similar to that introduced by the Parisian movement without necessarily had influence.
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2013. La femme et la poésie engagée : Louis Aragon, Pablo Neruda, Yannis Ritsos. Demetra DEMETRIOU, dir. Danièle Chauvin, Université de Paris 4
Cette thèse traite de la question de la femme dans la poésie de trois auteurs engagés majeurs du XXe siècle : Louis Aragon, Pablo Neruda et Yannis Ritsos. Avec un type d’approche résolument comparatiste, elle permet d’avoir une vision plus générale de la femme dans la poésie militante, tout en révélant la spécificité de ces auteurs et de leurs écrits. Ces écritures qui participent d’un dialogue intertextuel et universel placent le rapport entre amour, histoire et politique au cœur de leur relation avec les femmes et avec l’œuvre. Relevant de la problématique de la différence sexuelle et du rapport entre genre et classe – et en utilisant une méthode qui part du particulier pour aller vers le plus général, et qui va donc du personnel au collectif –, cette thèse, centrée sur la production littéraire de la guerre froide des poètes en question, étudie leur évolution personnelle en regard de celle de la poésie engagée en général. De fait, les différentes images de la femme parviennent à représenter la vision du monde de l’écrivain engagé, profondément bouleversée dans la période concernée. Allant progressivement d’une construction à une déconstruction de l’identité collective, des tons hauts aux tons sourds, de l’épique au lyrique, des mythes révolutionnaires aux mythes soulignant le caractère inaltérable de la condition humaine, de la physique à la métaphysique, de l’idéal du Progrès, enfin, à une dépréciation de l’Histoire – qui se manifeste sous des figurations cycliques –, l’écrivain engagé se retrouve à la limite de son entreprise, où les contradictions restent souvent inconciliables.
Résumé en anglais
The aim of this thesis is to explore the question of woman in the poetry of three major committed poets of the twentieth century : Louis Aragon, Pablo Neruda and Yannis Ritsos. Having adopted a comparative type of approach, this study gives a general vision of woman in militant poetry, while at the same time it highlights the specificity of the authors and their works. This poetry forms part of a universal and intertextual dialogue placing the relationship between love, history and politics at the centre of the authors’ relation with women and the creative process. Within the scope of the sexual difference problematic, as well as the interplay between class and gender, and by employing a method that moves from the particular to the more general – and thus, from the personal to the collective –, this thesis, centered on the Cold War literary production of the authors concerned, focuses on their personal development with respect to the evolution of the committed poetry more generally. Indeed, the different images of woman come to represent the vision of the world of the committed writer, profoundly disrupted during the period in question. Moving progressively from a construction to a de-construction of the collective identity, from high to low tones, from epic to lyric flair, from revolutionary myths to myths outlining the inalterable character of human condition, from physics to metaphysics, lastly, from the ideal of Progress to a depreciation of History – expressed by cyclical figurations –, the committed writer is found on the outermost boundary of his undertaking, where contradictions are often unreconciliable.

2013. La Poésie insupportable : politiques de la littérature dans l’entre-deux-guerres européen, autour de L. Aragon, W. H. Auden et B. Brecht. Florient MAHOT-BOUDIAS, dir. William Marx, Université de Paris Ouest Nanterre La Défense
Se dégageant du point de vue spiritualiste et idéaliste caractérisant la critique poétique contemporaine, ce travail vise à remettre en question la conception d’une poésie par principe détachée de tout enjeu politique et prend en charge des textes en partie exclus du canon poétique. Centré sur la politisation des poésies françaises, anglaises et allemandes dans l’entre-deux-guerres européen, le projet est historique et dresse une vision globale mais analytique des liens entre la poésie et la politique d’un point de vue à la fois théorique et historique. Le corpus central réunit L. Aragon, W. H. Auden et Bertolt Brecht et s’étend ponctuellement à A. Breton, X. de Magallon, S. Spender, C. Day Lewis, T. S. Eliot, E. Pound, W. Lewis, G. Benn, V. Maïakovski, R. Alberti, etc. Les trois auteurs principaux permettent une aisance méthodologique et conduisent l’évocation des réseaux littéraires européens et de certains effets de réception. L’étude prend aussi en compte certains titres de presse et revues littéraires variés (La N.R.f., Commune, Eurydice, The Criterion, The Left Review, Die neue Rundschau, Das Wort, etc.). La première partie de l’étude dresse un tableau historique des incompatibilités entre le genre poétique et l’exercice de la politique dans l’entre-deux-guerres, autour des querelles sur la « propagande » et la « poésie pure ». Analytique, la deuxième étudie les stratégies de l’inscription historique et de l’action politique à l’œuvre dans l’écriture et la publication des textes. La troisième partie livre un questionnement théorique sur le lien entre les poètes politiques et le temps en étudiant d’abord leur rapport avec la poésie des siècles précédents puis leurs relations aux théories modernistes de l’autonomie et au programme politique des avant-gardes.

2013. Roman et engagement : le laboratoire des années 1930 en Allemagne, aux États-Unis et en France. Autour de November 1918 de Döblin, de USA de Dos Passos et du Monde réel d’Aragon. (Aurore PEYROLES. Dir Anne Tomiche. Université de Paris IV)
C’est en réinscrivant la notion d’engagement littéraire dans le contexte des années 1930, qui ont vu son émergence et sa mise en pratique, que nous nous proposons de rendre son caractère opérationnel à une expression trop souvent considérée comme contradictoire ou réductrice. Envisagée à travers des textes qui ont précédé la théorisation sartrienne Le Monde rée d’Aragon, USA de Dos Passos et November 1918 de Döblin, la notion d’engagement littéraire rend compte d’une écriture littéraire et d’une ambition politique qui ne se conçoivent que dans le rapport simultané de l’une à l’autre. Élaboré comme une réponse en acte à une situation jugée insupportable, le roman engagé des années 1930 apparaît comme le lieu de reconfigurations multiples : reconfiguration du regard porté sur le monde réel, dont le scandale est révélé en plein par la représentation romanesque ; reconfiguration de la langue de la nation et de l’entreprise narrative, redéfinies par opposition aux mésusages et aux manipulations des adversaires, et ainsi rénovées ; reconfiguration d’un espace politique intrinsèquement démocratique, dont la lecture permet l’expérimentation.
Résumé en anglais
By inscribing the notion of literary commitment in the context of the 1930’s, which saw its apparition and its practice, we intend to restore the efficiency of an expression which is too often considered as the difficult conciliation between two areas supposedly antagonistic: politics and literature. Approached through novels which preceded Sartre’s theorization Aragon’s The Real World, Dos Passos USA and Döblin’s November 1918 the notion of literary commitment accounts for a literary writing and a political ambition which are only conceived in relation with one and another. Written as an answer in action to a situation considered as unbearable, the committed novel of the 1930’s appears as the place where multiple reconfigurations take place: reconfiguration of the perception of the real world, which scandal is revealed by the fictional representation; reconfiguration of the national language and of the narrative process, which are redefined by opposition to the misuses and the manipulations of the opponents; reconfiguration of a political space inherently democratic, experimented in the process of reading itself.

2012. Aragon romancier penseur de l’histoire. (Marie-France BOIREAU-BACHELIER. Dir. Reynald Lahanque. Université de Lorraine.)
Résumé en français
L’objectif de cette thèse est l’étude de la façon dont Aragon, en tant que romancier, pense l’Histoire. Le corpus examiné comprend les quatre premiers romans du Monde réel, Les Cloches de Bâle, Les Beaux Quartiers, Les Voyageurs de l’impériale, Aurélien.
Le propos est de démontrer que les romans, en raison de la poétique même du genre romanesque, proposent une pensée de l’Histoire plus complexe que celle qui s’exprime dans les discours du militant communiste Louis Aragon. Le romancier lui-même incite à cette recherche en affirmant que « le roman dit pas seulement ce qu’il dit mais autre chose encore, au-delà ».
Ont successivement été abordées les problématiques suivantes : comment est pensé l’événement, comment est pensée l’Histoire non événementielle, comment penser l’Histoire a pour visée l’action politique, enfin comment Aragon conçoit l’écriture de l’Histoire.
L’événement fondamental que le romancier aborde est la Grande Guerre dont les causes sont examinées non pas d’abord à partir de l’affrontement de nationalismes exacerbés mais à partir des conflits d’intérêt entre la France et l’Allemagne, notamment dans les empires coloniaux, Aragon mettant en lumière le dessous des cartes, les enjeux financiers de la guerre et procédant à une démystification de l’idéologie coloniale. L’histoire non événementielle qui concerne la « guerre sociale », les cadres psychologiques et sociaux, est questionnée à partir des personnages romanesques tandis que l’examen des itinéraires de ces personnages, l’étude de leur relation à l’Histoire, permettent au romancier de méditer sur les possibilités de l’action : elles sont incontestables, mais ne sauraient faire oublier le poids de l’Histoire qui prend souvent le visage de la tragédie, notamment dans les deux derniers romans étudiés. Cela signifie que la pensée aragonienne de l’Histoire évolue entre 1934 et 1944, que l’horizon s’assombrit, même si le romancier refuse de considérer la guerre comme une fatalité.
Cette pensée de l’Histoire passe par l’élaboration d’une écriture romanesque pratiquant volontiers l’analogie, jouant de la métalepse, ne renonçant pas au langage poétique. Lors de cette aventure de l’écriture, Aragon fait l’expérience de sa pensée, une pensée caractérisée par de multiples tensions qui empêchent de considérer les romans comme simplement des œuvres à thèse, qui permettent d’explorer « l’au-delà » du roman.
Mots clés : Aragon, roman, histoire, événement, grande guerre, impérialisme, guerre sociale, argent, xénophobie, antisémitisme, féminisme, analogie, métalepse, poésie.
Résumé en anglais
Aragon and History, the approach of a novelist
The purpose of the dissertation is to study the way Aragon, as a novelist, builds a vision of history. The corpus of Aragon’s works under study comprises the first four novels of the Le Monde Réel series – namely, les Cloches de Bâle, Les Beaux Quartiers, Les Voyageurs de l’impériale, Aurélien.
The aim is to show that the poetics of the novel as a genre will suggest a much more elaborate way of viewing history than what Aragon himself expresses when he speaks as Louis Aragon the communist activist. Aragon the novelist urges to get deeper into research when he states that “novels do not merely say what they say, they are about something else, they go beyond”.
The following issues have been successively considered : how historical events are viewed; how, dispensing with factual events, history is viewed; how building an approach to history aims at triggering political action; how, in the end, Aragon conceives and views the writing of history.
The fundamental historical event the novelist tackles is the Great War, the causes of which he analyzes not primarily from the angle of a conflict between two forms of exacerbated nationalism but from the angle of the diverging interests of France and Germany, particularly in their respective colonial empires. Aragon uncovers what lies hidden under official history, what was at stake financially during the conflict and goes on to demystify colonial ideology. Turning away from historical events per se, he questions the so-called «social war» and the social and psychological bounds society imposes. This he does by creating novel characters whose evolutions and relations to history are thoroughly examined, thus allowing the novelist to ponder over possible though unquestionable commitments which cannot, nonetheless, ignore the fact history weighs heavily, most often in the form of tragedy, especially in the last two novels considered. This approach results in Aragon’s vision of history altering between the years 1934 and 1944. The horizon stands out gloomy however the novelist refuses to consider war is fatally inescapable.
Such vision of history is closely knit with the birth of a specific way of novel-writing which fairly often resorts to analogy, playing with metalepsis and is never severed from poetry-writing. In the course of this adventure in writing, Aragon experiments on and experiences the building of his personal vision, a thinking process fraught with multiple tensions which cannot allow the reader to view his works as mere pretexts for expounding a socio-political message but as true experiments in the exploration of the «beyond» of novels.

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2012. L’Œuvre au défi : Aragon et la constitution de L’Œuvre Poétique. (Josette PINTUELES. Dir. Nathalie Piégay-Gros. Université Diderot-Paris VII)
Résumé en français :
Dans L’OEuvre Poétique, Aragon met la notion d’ « oeuvre » au défi. Il reconfigure ses oeuvres poétiques en un ensemble qui clôt ses oeuvres complètes, les commente et les entoure de documents très hétérogènes, visant à en éclairer les circonstances. Mais ce dispositif complexe et insolite a une incidence sur la notion même d’ « oeuvre » : il brouille les frontières habituellement établies entre celle-ci et ses paratextes, ses « seuils » et ses commentaires; l’importance des articles, discours et illustrations interroge aussi la définition du littéraire. L’analyse du dispositif, dont celle de la critique des classements génériques, chronologiques et thématiques, permet d’abord de cerner la scénographie de l’oeuvre complète et la place essentielle de la figure de l’auteur. Aragon insiste sur son désir de concerter son parcours poétique et politique en revenant aux sources du Surréalisme, sans qu’on puisse toutefois réduire l’ouvrage à des mémoires. Dans un deuxième temps, l’analyse des interactions entre paratextes et textes permet de lire l’ensemble comme une oeuvre à part entière, un roman, au sens donné par Aragon à ce terme. Une conception dichotomique de l’oeuvre et de son commentaire s’avère donc inopérante pour L’OEuvre Poétique. Enfin, l’étude de la place des articles des Lettres françaises -symptomatiques du rapport d’Aragon à la critique, aux circonstances et aux discours feuilletés adressés à des destinataires multiples-, ainsi que celle des illustrations originales des premiers volumes, permet de voir les rapports étroits entre l’oeuvre et ses médias ; Aragon se sert de sémiotiques croisées et des ressources du livre pour essayer de programmer la lecture de son oeuvre.
Abtract in english :
In L’OEuvre Poétique Aragon challenges the notion of « work ». He rearranges his poetry works in a way that brings his complete works to a conclusion, comments on them and adds a whole range of varied documents, aiming at throwing light on the circumstances. But this complex and unusual device has some consequence on of the notion of « works » itself: it blurs the accepted borders between the work and its paratexts, its « thresholds » and its commentaries; the amount of the articles, speeches and illustrations questions the definition of literature. The analysis of this device, including the criticism of the classification along genres, chronology and themes enables firstly to comprehend the scenography of the complete works and the central role of the author’s figure. Aragon insists on his wish to link his poetical and political course by going back to the sources of Surrealism, still not allowing us to bring down this work to memoirs. Secondly, the study of the interactions between texts and paratexts allows to read the whole as a work on its own, as a novel, as Louis Aragon defined this term. A dichotomous view of the work and its commentaries is thus ineffective for L’OEuvre Poétique. Lastly, the analysis of the place of Louis Aragon’s articles in Les Lettres françaises – which reveal Louis Aragon’s relationship with the critics, the circumstances and the differentiated addresses according to the various recipients – and the study of the original illustrations in the first volumes, allow to see the narrow links between the work and its medias; Aragon uses crossed semiotics and all the resources of the book to guide the reading of his work.