Michel-Apel Muller, par Maryse Vassevière, 2012
La nouvelle de sa mort le 21 décembre nous a frappés comme la foudre. C’était notre Apocalypse à nous… Il s’en est fallu de peu que comme Aragon il nous quitte quand nous nous apprêtions à fêter un Noël qui cette année gardera la couleur de notre peine. Mais c’est le Michel vivant que je veux évoquer et participer modestement à construire pour nous la maison de sa mémoire, contre l’oubli. Et marquer ici quelques scènes qui témoignent de mon estime profonde et de mon affection.
Tout d’abord le séminaire de notre groupe Aragon du CNRS au Fonds Aragon-Triolet de la rue de Richelieu dans les années 90. Je me souviens de nos séminaires : son avis était toujours recherché à la fin, après les interventions et les discussions, comme si naturellement il était celui qui pouvait faire le point, apporter un éclairage historique et humain qui nous manquait parfois, à nous, les plus jeunes. Et je me souviens aussi de nos repas conviviaux dans un petit restaurant de la rue de Richelieu, presque sous les toits : je me mettais toujours à côté de Michel car j’adorais parler avec lui… de littérature, de politique, de la famille, et de ce colloque de Cluny qu’il avait organisé et sur lequel je l’interrogeais souvent.
Ce qui m’avait surtout frappée, c’est son accueil chaleureux lors de mes premiers contacts avec le groupe et lors de ma première communication (celle sur le Manoir d’Ango…) car j’ai senti chez lui un encouragement à continuer et un soutien intellectuel qui reposait sur des valeurs communes et une entente sur l’essentiel.
J’évoquerai ensuite notre séminaire de juin qui chaque année avait toujours lieu au Moulin où Michel nous ouvrait la maison d’Aragon et d’Elsa, comme si c’était la sienne et la nôtre alors qu’elle n’était pas encore une maison-musée mais qu’il travaillait ferme pour qu’elle le devienne. J’avais l’impression d’être dans une maison amie et je le lui avais dit en juin 88. C’était aussi après la mort de mon père et Michel qui avait été touché de ma remarque m’avait alors donné toute son affection.
Et enfin je me souviens de nos déjeuners en tête à tête au petit restaurant de St Arnoult – qui nous accueille maintenant au moment des colloques – pour discuter des expositions que nous organisions au Moulin à partir des fabuleux documents du Fonds et des manuscrits aussi, avec l’aide du peintre François Féret pour la scénographie des vitrines et, pour l’aspect pratique, de celle de Gérard Commaille qui était alors régisseur. Pour parler aussi du Fonds Aragon-Triolet quand il serait au Moulin, comme Aragon l’avait souhaité ainsi qu’il le dit dans une lettre à Marc Delouze qu’il avait publiée dans Les Lettres françaises. Et puis les choses ne se sont pas faites ainsi que Michel l’explique dans cet entretien que nous avions eu avec lui, Luc et moi, pour RCAET 9, mais au cours de ces discussions comme au cours de cet entretien, on sentait chez Michel un désir évident de transmission… et cela en était émouvant. Car c’est cela que je retiens de Michel : cette manière d’associer toujours la recherche et la plus haute exigence intellectuelle à l’amitié la plus chaleureuse et l’humanité la plus généreuse.