Michel Apel-Muller, par Patricia Principalli, 2012
Je me souviens…
d’une voix pénétrante, récitant Le Crève-Cœur, à de jeunes étudiants ignorants, dont j’étais
de la fascination que suscitaient ses commentaires des textes d’Aragon
de sa gravité pour évoquer, longuement, « Elsa »
des réunions le soir après les cours pour parler poésie, dans les cafés bisontins
des émissions de radio amateur de Besançon, où nous l’accompagnions
des jours où il nous disait « vous êtes une génération à laquelle on a confisqué l’Histoire », et où nous découvrions, comme Aragon dans « La nuit des arbrisseaux », l’existence des « autres »
de ses voyages chaque semaine à Paris pour être avec « Louis », jusqu’au 24 décembre final
de son injonction : « Lis La Semaine sainte, il faut que tu y travailles »
du 56 rue de Varenne dont je vis les murs avant leur effacement, où je l’aidais religieusement à ranger le courrier partout entassé
du Moulin avant que ce ne soit un musée, où les chats du gardien occupaient tous les fauteuils
de ses remarques animées sur les derniers articles de L’Humanité
de la longue bataille insensée et passionnément menée pour permettre à l’œuvre d’Aragon d’être reconnue par l’État et ses institutions, pour faire du Moulin ce qu’il est aujourd’hui
de ce long combat sans lequel la recherche aragonienne ne serait pas …
Patricia Principalli