Suzanne Ravis, « Prépublications du Fou d’Elsa dans Paroles peintes », 2007

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Suzanne Ravis, Prépublications du Fou d’Elsa dans Paroles peintes, 2007 Bien avant que parût Le Fou d’Elsa, qui sera publié le 28 novembre 1963 dans la collection blanche Gallimard[[Cette édition originale reste notre édition de référence, malgré certaines imperfections du texte.]], Aragon livra au public quelques fragments de l’œuvre en cours d’écriture. En décembre 1961 et en 1962, il publia séparément trois poèmes que rapproche leur thème amoureux baigné d’inquiétude, appartenant dans l’originale à l’ensemble intitulé « Chants du Medjnoûn »[[Il s’agit des poèmes « Les mains d’Elsa », Les Lettres françaises 906, 21 décembre 1961 (le texte est présenté comme « fragment d’un grand poème en gestation […] , Le Fou d’Elsa », ; « Les yeux fermés », France Nouvelle 886, 12 octobre 1962 (« fragment du nouveau poème d’Aragon ») ; « La chasse », Les Nouvelles littéraires 1843, 27 décembre 1962 (« poème inédit »).]]. C’est une autre face majeure du vaste projet poétique qu’il découvrit en décembre 1962 dans le livre d’art Paroles peintes[[ Paroles peintes I, ouvrage non paginé, format 39 cms, illustrations en noir et en couleur, publié et édité par Oscar Lazar-Vernet, [5 déc. ] 1962. Tiré à 228 exemplaires. Quatorze poètes y sont illustrés par autant d’artistes.]], où quatre poèmes d’une grande diversité formelle convergent vers l’image centrale de Grenade à la veille de sa chute. Marc Chagall, ami d’Elsa Triolet et d’Aragon, réalisa pour cet ouvrage une eau-forte originale où l’on discerne, sur un fond rougeoyant d’incendie, une ville en proie à la violence. Cette illustration figure dans Paroles peintes en regard du poème « Un espion de Castille arrive au-dessus de Grenade » ; l’ « espion » anonyme dévoré de désir et de haine y prédit l’effondrement du dernier royaume musulman d’Espagne. Une lettre d’Elsa Triolet à sa sœur, datée du 8 juin 1962, évoque le projet du poète et l’éventuelle participation de Chagall : « Aragocha écrit un poème inouï. Comme je crois vous l’avoir dit, sur le XV° siècle, Grenade, une page d’histoire richement enluminée…prose et vers. Chagall va peut-être faire les illustrations : l’Andalousie ¾ l’Orient, les Arabes, les Juifs ¾ ça lui convient bien… Mais le poème aura entre trois cents et trois cent cinquante pages, et nous prenons de l’âge…[[Correspondance 1921-1970 Lili Brik-Elsa Triolet , traduit du russe sous le direction de Léon Robel, préface et notes de Léon Robel, nrf, Gallimard, 2000, p. 980-981.]] ».
Les quatre poèmes retenus par l’auteur forment ainsi une sorte de brève anthologie de dix pages rassemblant plusieurs visages de Grenade, cité éclatante et condamnée. On trouve successivement dans Paroles peintes :
-« GRENADE
AU JOUR LE JOUR »
dont le texte est presque identique à celui du poème « Ce que pense la ‘Âmma », pages 117-119 de l’originale ; -« UN ESPION DE CASTILLE ARRIVE AU-DESSUS DE GRENADE », dont le titre devient en 1963 « Un espion de Castille franchissant le Djebel Cholaïr As-Sadj parvient au-dessus de Grenade » (p. 29-31 de l’originale) ; -« CHANT DES VAURIENS » (p. 38-39) ; -« UNE FILLE QUELQUE PART AU BORD DU XÉNIL » (p. 42-43) . A la suite de ces quatre poèmes, Aragon annonce sur deux lignes en italiques le grand projet dans lequel ils s’inscrivent : « Ces vers sont des fragments de la première partie d’un long poème à paraître sous le titre Le Fou d’Elsa (Gallimard) ». Ces lignes finales supposent l’existence – ou du moins le projet en cours d’exécution – d’une œuvre composée, comme l’indique la mention d’une « partie », œuvre unifiée par son titre et par l’idée d’un « long poème » (au singulier). Chacun des textes est donc conçu comme un « fragment » de l’ensemble, et plus précisément de la « première partie », ce qui ne va pas sans poser problème, comme nous le verrons […] Pour lire l’intégralité de l’article, ouvrez le fichier pdf disponible ci-dessous. Tous droits réservés S.RAVIS / ERITA

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