Patricia Principalli, « Plus belle La Semaine sainte : Aragon dans une série télévisée », 21 mars 2014


Après la stupéfaction, l’interrogation : mais qu’est-ce qu’Aragon et La Semaine sainte font donc dans cette galère ? et est-ce d’ailleurs vraiment une galère ?
Clin d’œil d’initiés dans l’équipe de scénaristes, ayant un intérêt personnel pour Aragon et ce roman ? Réminiscence de la récente commémoration du Trentenaire ? Posture anti communiste (mais rien ne va dans ce sens dans les échanges des personnages) ? Exemple paradigmatique de la figure de l’Écrivain ? Aragon, toujours du fait de l’actualité commémorative, pris comme un symbole du champ d’étude « littérature » présenté comme obsolète et inutile ? L’apparent éloignement temporel de ce roman si peu connu aujourd’hui qu’est La Semaine sainte illustrerait cela à merveille. Le compagnon de la jeune femme en question, substitut du procureur et surfant sur les idées de la droite forte, émet en effet des idées bien arrêtées sur l’intérêt des thèses en littérature (« Il fait quoi dans la vie, ce garçon ? – Une thèse sur Aragon – Ah… D’une grande utilité pour la collectivité ! »), ce qui n’est pas sans rappeler un certain point de vue sur la lecture de La Princesse de Clèves. Cela va de pair avec son opinion sur les études et la représentation de l’étudiant comme parasite (« Qu’est-ce que t’as besoin d’aller t’emmerder dans un amphi avec deux cent cinquante gamins de 18 ans qui pensent à tout sauf à travailler ? », demande-t-il à sa compagne qui veut reprendre des études), cependant que l’ATER aragonien passe son temps à danser et boire des mojitos, ce qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler un peu les activités du jeune Aragon du temps qu’il était un dandy… Et l’on s’amuserait bien à imaginer une réponse en forme de citation : « Je ne vais pas m’esquinter à travailler pour engraisser une bande de députés. » (Les Beaux Quartiers). On peut se demander pourtant si Aragon ne constitue pas le premier maillon d’une frêle et provisoire chaîne culturo-politique, discret contrepoids ou contre-discours à une frivolité et une vacuité certaines (sur)représentées par d’autres personnages. Y participeraient également Vaclav Havel dont un personnage rappelle la phrase « Le seul combat perdu d’avance est celui auquel on renonce… » et Marc Bloch, dont Maxime Eindoven prête L’Étrange Défaite à Johanna après La Semaine sainte, en expliquant à son interlocutrice que l’auteur s’est engagé dans la Résistance et a été fusillé par les Nazis (Épisode 2452 du 18 mars 2014). Un nouveau personnage à venir, déjà intervenu ponctuellement en 2008, incarnera quant à lui un ancien résistant communiste, joué par… Roland Copé, le père du secrétaire général actuel de l’UMP.

Personnage de Maxime Eindoven: http://www.plusbellelavie.org/habitant.php?id=597