Aragon, lu d’ailleurs : Grèce / Congo, Journée d’études, 1er février 2014

Published by C. G. on

Aragon lu d’ailleurs (Grèce, Congo)

Journée d’études ouverte à tous
organisée par l’Equipe de Recherche Interdisciplinaire
Elsa Triolet / Aragon (ERITA)

Samedi 1er Février 2014

Paris VII – Grands Moulins
Bibliothèque Jacques Seebacher

Bât. A, 5 Rue Thomas Mann 75013 Paris
Métro Bibliothèque François-Mitterrand (ligne 14)

9 h 00 – Assemblée générale de l’ÉRITA

10 h 30 – Titika Dimitroulia, Université Aristote de Thessalonique :
« La réception d’Aragon en Grèce de 1930 à 2013
»

Louis Aragon se fait connaître très tôt en Grèce, depuis les années 1930 déjà et son parcours est suivi d’assez près par les auteurs grecs de l’époque, qui sont en général francophones – il faudrait souligner la relation privilégiée entre les intellectuels grecs, la France et les français jusqu’après la guerre – et transfèrent le devenir littéraire et intellectuel français en Grèce. D’ailleurs, toute une génération littéraire, celle appelée « la génération des années 1930 » qui est aussi la génération du surréalisme, est tournée vers l’Europe, le modernisme et l’avant-garde – c’est la génération à laquelle appartient aussi l’ami d’Aragon Yiannis Ritsos. Le théoricien de cette génération, Yiorgos Theotocas, a commenté les Cloches de Bâle en 1935. En 1932, le communiste Nicolas Calas, une figure emblématique du surréalisme grec, avait traduit le « Front rouge » – bientôt, Calas allait participer à Paris au groupe surréaliste. Cité parmi les éminents surréalistes et modernistes de son époque, Aragon est classé en 1940-1950, par l’historien de la littérature grecque Alexandros Argyriou, parmi les écrivains qui inspirent les écrivains grecs – avec, entre autres, Huxley, Malraux ou Sartre.
La situation historique en Grèce après la guerre, la guerre civile et ses conséquences, créent une dichotomie majeure dans les lettres : entre la droite et la gauche, les communistes et les autres. Aragon est aimé par les communistes et ignoré par les autres. Il est l’ami de Yiannis Ritsos, dont le parcours a par ailleurs beaucoup de points communs avec le sien et à qui il ouvre la voie de l’universel avec un texte de 1957. Il est le communiste, un des représentants les plus connus du réalisme socialiste. Aragon poète est plus au moins éclipsé, à l’exception du recueil Les Yeux d’Elsa. Sa période surréaliste – si nous osons parler de périodes dans son œuvre, lui qui les détestait – est passée sous silence par la gauche et ses romans ultérieurs passent en général inaperçus. Les Communistes sont publiés au moment même de l’implosion du socialisme réel, de 1989 à 1994. Juste avant, des œuvres comme Blanche ou l’oubli, Le Paysan de Paris, Anicet ou le Panorama, Les Aventures de Télémaque ou Le Traité du style n’ont pas eu le temps de trouver leur place dans le champ littéraire néohellénique. Aujourd’hui, la plupart de ces livres sont introuvables. Aragon est soit communiste soit surréaliste, méconnu de toute façon. Bien sûr, il y a toujours eu quelques textes, quelques traductions dans des revues, comme Nea Synteleia par exemple. En tant que traductrice de son œuvre, c’est ce que nous efforçons de changer, que nous espérons changer dans un avenir proche.

14 h 30 – Anthony Mangeon, Université de Strasbourg : « Henri Lopes au miroir d’Aragon »

Forte d’un recueil de nouvelles et de huit fictions, couronnée de plusieurs prix – dont le Grand Prix de la Francophonie (Académie française) et le Grand Prix littéraire d’Afrique noire à deux reprises – l’œuvre romanesque du Congolais Henri Lopes s’est placée d’emblée sous les auspices de Louis Aragon. C’est à l’excipit des Cloches de Bâle que La Nouvelle Romance (1976) emprunte en effet son titre, et on trouve de nombreux autres reflets dans les romans suivants : Le Pleurer-rire (1982) se donne ainsi à lire sur le mode oxymorique d’un Mentir-vrai, où rêve et réalité s’entremêlent dans un style alerte qui africanise par ailleurs le “roman parlant” ou le “récit oralisé” incarné entre autres par Aragon ; Le Chercheur d’Afriques et Sur l’autre rive multiplient également les clins d’œil à l’auteur d’Aurélien et du Roman Inachevé. Mais c’est surtout dans Le Lys et le flamboyant que la présence littéraire d’Aragon est la plus manifeste, au point qu’on pourrait lire ce roman comme une réécriture partielle de La Mise à mort en contexte congolais, ainsi que nous nous attacherons à le montrer. Une question se pose dès lors : et si, à l’instar de Céline, la postérité d’Aragon se trouvait aujourd’hui en Afrique ?

Contact :
Corinne Grenouillet, MCF HDR,
Université de Strasbourg
corinne.grenouillet@unistra.fr