Marianne Delranc-Gaudric, « Pourquoi le film “Roses à crédit” mérite d’être vu et revu ? », L’Humanité, 17 décembre 2010
Marianne Delranc-Gaudric, « Pourquoi le film Roses à crédit mérite d’être vu et revu ? : il s’agit de notre vie à tous, du progrès, du travail, de la condition féminine », L’Humanité, 17 décembre 2010, rubrique « Tribune »
Roses à crédit, le film d’Amos Gitaï d’après le roman d’Elsa Triolet, qui devait sortir sur les écrans ce 15 décembre [2010], n’a pas eu l’autorisation nécessaire à sa commercialisation. J’ai eu l’occasion de voir ce film, présenté en avant-première à l’Espace 1789 de Saint-Ouen. C’est peu de dire que c’est un très beau film : il mérite non seulement d’être vu, mais aussi revu. Il est beau d’abord par ses images : le vieux village de Goussainville qui ressemble à un tableau de Monet ; une forêt sombre et luisante sous la pluie ; une grande maison en ruines, ruines de guerre, ruines de vie ; la terre d’un champ labouré, lourde ou pleine de promesses… Des roses de diverses couleurs : iront-elles ensemble ?… Il est merveilleusement interprété par ses actrices et acteurs : Catherine Jacob, Arielle Dombasle, Ariane Ascaride, Valeria Bruni-Tedeschi, Pierre Arditi, Grégoire Leprince-Ringuet entre autres, et la jeune Léa Seydoux, aussi belle qu’énigmatique. Il est remarquable par son montage, depuis les « collages », au début du film, d’actualités de la guerre et des années 1950 jusqu’à l’envolée de la fin où nous nous retrouvons subitement dans la vitesse dangereuse d’un Paris actuel, toujours poétique cependant… La musique de Louis Sclavis, une chanson de Mouloudji tout d’un coup vous emportent dans les rêves ou dans les souvenirs… Comme le livre, le film parle de la « société de consommation », mais pas seulement. Il s’agit de notre vie à tous, du « progrès », bénéfique ou maléfique, de la condition des femmes, du travail, de la création, du passé et du futur… Bref, comment comprendre que l’on ne puisse pas voir cette belle oeuvre d’art ?