Léon Robel, par Hélène Rol-Tanguy
Ma première rencontre avec Léon Robel remonte à bien longtemps…C’était dans le courant de l’hiver 1964/1965, à Moscou… Puis les années ont passé, occupées à la préparation des concours et un premier poste à Brest en 67, ensuite à Clermont-Ferrand en 68, à la Faculté des Lettres, auprès de Jean Pérus. Il a fallu que Robel se mette en devoir de constituer une équipe pour la traduction de la correspondance de Lili et d’Elsa pour que nous nous retrouvions à nouveau, Jean Pérus m’ayant proposé de collaborer à cette entreprise qui m’avait séduite. Cette équipe, composée de Pérus lui-même, de Simone Sentz-Robel, de Marianne Delranc Gaudric, d’Hélène Ravaisse et moi-même, se réunissait assez souvent dans un local du CNRS de la rue Richelieu où Françoise Pitras nous prêtait son concours. Nous y travaillions à harmoniser nos choix de traduction, ce qui n’était pas forcément une mince affaire. Ainsi je me souviens d’échanges toujours courtois, mais vifs autour du sort qu’il fallait réserver au petit nom d’Aragocha qu’Elsa donnait à son poète dans l’intimité. Finalement il fut décidé de le garder tel quel sans que personne se sentît froissé ou désavoué grâce au tact, à la gentillesse et à l’humour de notre maître d’œuvre. Le volume est sorti en 2000.
Quelques années plus tard les liens se sont renoués. Dans mon souvenir, c’est la femme de Léon Robel, Simone Sentz-Robel, qui a fait appel à nous quatre à un moment difficile pour Léon, quand a disparu, en 2006, son ami Aïgui dont il avait à cœur d’offrir la poésie au lecteur français. Et c’est Simone aussi, je crois bien, qui a eu l’idée d’organiser « un repas russe » à l’entrée du printemps, autour de la fête des femmes et, comme je le comprends maintenant, pas si loin de l’anniversaire de Léon. Ce repas est vite devenu une tradition – peu d’années se sont passées sans qu’il ne nous réunisse chez nos amis jusqu’à l’an dernier.
Léon se retrouvait affectueusement entouré de femmes très « causantes » – nous échangions sur tout : la politique, l’histoire, les derniers livres lus, les derniers spectacles ou films vus, sur nos familles, et surtout à propos des petits… A table, en face de Léon qui présidait, fidèle à lui-même donc peu loquace, je voyais son œil s’allumer, un sourire courir sur ses lèvres et puis tout d’un coup il intervenait à son tour… Ce sont des moments très précieux pour moi, il régnait alors une sorte d’harmonie chaleureuse malgré les inquiétudes que nous exprimions de plus en plus souvent ces dernières années devant la situation du pays et du monde. Arrivées autour de 13 heures, nous ne repartions pas avant 18h30, 19h, un peu inquiètes d’avoir mobilisé si longtemps nos hôtes.
Pour Simone, pour nous, je souhaite très fort que ces moments reviennent, même si l’absence de Léon nous pèsera.