Le présent article, « Visages de l’utopie chez Ernst Bloch » (téléchargeable ci-dessous), a été publié il y a presque trente ans. Il n’y est pas question d’Aragon. Mais ma conviction demeure intacte que lire les ouvrages du philosophe projette une vive lumière sur l’écrivain ; sur le sens de son combat, sur sa vision du monde, sur le bien-fondé de son espérance. Sur la grandeur et les impasses de la foi militante, sur la dimension religieuse de la grande promesse marxiste et sur les aléas de sa réalisation. Sur la volonté qu’ils partageaient, sous le signe du marxisme, d’allier la raison et l’utopie. Ils ont en commun d’avoir été des hommes de grande culture, passionnément ouverts à la nouveauté, sans que le sens de l’avenir leur ait jamais fait perdre de vue le prix des héritages. L’un et l’autre ont fait de « l’optimisme militant », de « l’utopie concrète », une règle de pensée et une ligne de conduite. Les « graines de l’avenir », Bloch a su comme nul autre les trouver dans l’ensemble de la culture humaine, passée et présente : dans les religions, les archétypes, les symboles, les rêves éveillés, les inventions, la médecine, la musique et les arts, savants ou populaires… en un mot, dans le champ immense de la création et des rêveries humaines, esquissées ou accomplies. Et nul doute que le philosophe aurait pu prêter à l’écrivain ce qu’il appelait « un sens du Novum poussé à l’extrême ».
Leur manière de placer leur confiance dans le marxisme est semblable, elle est aux antipodes de l’étroitesse dogmatique, elle ne récuse pas tout messianisme – dont Bloch fait « le mystère rouge de toute Aufklärung qui demeure révolutionnaire et vise la plénitude ». Que leur confiance ait été déçue relève d’une tragédie historique qui les dépasse de beaucoup. Ils ont pu, par leurs écrits respectifs, contribuer au fourvoiement général : il reste que ces écrits n’ont rien à voir avec ce que le terme de « stalinisme » résume. Personnellement, je le mesure encore mieux s’agissant d’Aragon pour peu que je le replace dans la lumière d’Ernst Bloch.
Aux ouvrages de Bloch (1885-1977) cités dans l’article, j’ajouterais volontiers son Thomas Münzer, théologien de la révolution (1921), ainsi que L’Athéisme dans le christianisme (1968) ; mais ce sont les trois volumes du passionnant Principe Espérance qu’il faut probablement privilégier.
Mon exposé, auquel je n’ai apporté aucune modification, peut être lu comme une esquisse d’introduction à la pensée de Bloch, étant entendu qu’il est de dimension très modeste, et qu’il est tributaire de son origine, une communication pour un colloque, plus philosophique que littéraire, portant sur l’utopie. J’ajoute que l’idée d’en proposer une mise en ligne m’est venue après avoir entendu, lors du récent séminaire d’ÉRITA (14 mars 2015) la très stimulante communication de Johanne Le Ray, « Des martyrs aux saints du calendrier », qui a fait référence à Bloch pour questionner les notions de croyance, d’espoir, de mythe (à travers l’exemple de la poésie de la Résistance d’Aragon).
(Reynald Lahanque)
Télécharger le pdf de : Reynald Lahanque, «Visages de l’utopie chez Ernst Bloch », Autrement dire n° 3-4, Presses Universitaires de Nancy, 1986-1987
Flávia Falleiros, « Aragon et le Brésil : quelques raisons d’une quasi-inexistence » « Au Brésil, l’oeuvre de Louis Aragon est presque totalement inexistante. Son seul ouvrage traduit et publié à ce jour est Le Paysan de Paris, Lire la suite…
Jacob Ladyga est doctorant, rattaché à l’Université de l’Indiana à Bloomington. Il prépare une thèse sur le rapport entre la poésie tardive de Marguerite de Navarre et le blason littéraire. Son article, à lire ici, Lire la suite…
Aragon a été lu pendant toute l’existence de la RDA, de ses débuts à sa fin, plus qu’aucun autre écrivain français. On distingue habituellement trois grandes périodes créatrices dans l’œuvre aragonienne : les expérimentations avant-gardistes Lire la suite…