Aragon, réception et histoire : Séminaire de l’ERITA du samedi 13 décembre

Publié par C. G. le

Aragon, réception et histoire

organisée par l’Équipe de
Recherche Interdisciplinaire
Elsa Triolet / Aragon (ERITA)

Samedi 13 décembre 2014

Université Paris Diderot – Paris 7
Site des Grands Moulins
Salle 695

Bât. A, 5 Rue Thomas Mann
75013 Paris

Métro Bibliothèque François-Mitterrand (ligne 14)

9 h 30 : informations sur Aragon et Elsa Triolet

10 h : Titika Dimitroulia, « La réception d’Aragon en Grèce depuis 1930 »
Aragon se fait connaître très tôt en Grèce, depuis les années 1930 déjà et son parcours est suivi d’assez près par les auteurs grecs de l’époque, qui sont en général francophones – il vaudrait souligner la relation privilégiée entre les intellectuels grecs, la France et les français jusqu’après la guerre – et transfèrent le devenir littéraire et intellectuel français en Grèce. D’ailleurs, toute une génération littéraire, celle appelée « la génération des années 1930 » qui est aussi la génération du surréalisme, est tournée vers l’Europe, le modernisme et l’avant-garde – à cette génération appartient l’ami d’Aragon Yiannis Ritsos. Ainsi, c’est le théoricien de cette génération, Yiorgos Theotocas, qui commente les Cloches de Bâles en 1935. Un peu avant, en 1932, le communiste Nicolas Calas, une figure emblématique du surréalisme grec, traduit le « Front rouge » – bientôt, Calas va participer à Paris au groupe surréaliste. Cité parmi les éminents surréalistes et modernistes de son époque, Louis Aragon est classé en 1940-1950, par l’historien de la littérature grecque Alexandros Argyriou, parmi les écrivains qui inspirent les écrivains grecs – avec Huxley, Malraux, Sartre et autres.
La situation historique en Grèce après la guerre, la guerre civile et ses conséquences, créent une dichotomie majeure dans les lettres entre la droite et la gauche, les communistes et les autres. Aragon est aimé par les communistes et ignoré par les autres. Il est l’ami de Yiannis Ritsos, dont le parcours a par ailleurs beaucoup de points communs avec le sien et à qui il ouvre la voie de l’universel avec son texte de 1957. Il est le communiste, un des représentants les plus connus du réalisme socialiste. Aragon poète est plus ou moins éclipsé, à l’exception du recueil Les Yeux d’Elsa. Sa période surréaliste est passée sous silence par la gauche, ses romans ultérieurs passent en général inaperçus. Les Communistes sont publiés au moment même de l’implosion du socialisme réel, de 1989 à 1994. Des œuvres comme Blanche ou l’oubli, Le Paysan de Paris, Anicet ou le Panorama, Les Aventures de Télémaque ou Le Traité du style n’ont pas eu le temps de trouver leur place dans le champ littéraire néohellénique. Aujourd’hui, la plupart de ces livres sont introuvables. Aragon est soit communiste soit surréaliste et inconnu de toute façon. Bien sûr, il y a toujours eu quelques textes, quelques traductions dans des revues, comme Nea Synteleia par exemple. C’est ce que nous nous efforçons de changer, ce que nous espérons changer dans un avenir proche.

Titika Dimitroulia est professeur assistante au Département de Langue et de Littérature Françaises à l’Université Aristote de Thessalonique, traductrice et critique littéraire.

14 h : Marie-France Boireau, « Le Jaurès d’Aragon »
Quand Aragon écrit Les Cloches de Bâle, en 1933-34, Les Beaux Quartiers, en 1935-36, Jaurès est mort depuis vingt ans. Ses cendres ont été transférées au Panthéon depuis plus de dix ans. La figure de Jaurès tient une place importante dans ces deux romans, place qui dit autant sinon plus sur ce qu’a suscité le personnage dans les imaginaires individuels et collectifs que sur la réalité historique du leader socialiste. Dans le Jaurès qu’Aragon met en roman et dont il fait non seulement un personnage historique, mais aussi un personnage romanesque, jouant un grand rôle dans l’itinéraire de personnages de fiction, le mythe a sa part, avec une double charge, affective et militante, mythe nourri à la fois par un imaginaire collectif essentiellement de gauche, dans les années 1930, et par l’imagination propre du romancier. Son étude renseigne à la fois sur le sens politique conféré au personnage lors de l’écriture des romans et sur la fascination qu’a exercée le grand tribun sur le romancier Aragon.

Marie-France Boireau est docteur en littérature, professeur honoraire de CPGE et membre associé du laboratoire POLEN (POuvoirs, LEttres, Normes) CEPOC (Centre d’Études POlitiques Contemporaines ) de l’Université d’Orléans

15 h : Christiane Mouze-Mornettas, « Retour sur la figure de Mikhaïl Koltsov, double tragique d’Aragon ».
Ambassadeur charismatique du pouvoir stalinien auprès des intellectuels occidentaux au temps du Front Populaire et de la Guerre d’Espagne, le journaliste Mikhaïl Koltsov (1997-1940) fut un acteur majeur de la politique étrangère de Staline avant d’en devenir la victime. Ce personnage au rôle controversé a fasciné ses contemporains qui furent nombreux à laisser des témoignages écrits (V. Serge, E. Hemingway, P. Herbart, G. Regler, I. Ehrenbourg etc..). Devenu pour Aragon un interlocuteur privilégié et un ami, sa mémoire hanta l’imaginaire de l’écrivain au point de donner la matrice d’un des personnages essentiels de La Mise à mort.
En s’appuyant sur l’exploration de l’hypertexte mémoriel né autour de Koltsov, sur les travaux récents d’historiens russes et britanniques (non accessibles en français) ainsi que sur les propres écrits de Koltsov (non publiés en France), la présente intervention se propose de permettre un regard légèrement différent sur la figure dessinée par Aragon.

Christiane Mouze-Mornettas est professeur agrégée de russe.