Une rue Aragon à Paris ?, pétition par Violaine Darmon (2009)

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Pour information, nous reproduisons ici le texte de Violaine Darmon invitant à signer une pétition en faveur de la création d’une rue Aragon à Paris, demande déjà maintes fois effectuée par Jean Ristat.

C’est de ce Paris-là que j’ai fait mes poèmes
Mes mots ont la couleur étrange de ses toits
La gorge des pigeons y roucoule et chatoie
J’ai plus écrit de toi Paris que de moi-même
Et plus que de vieillir souffert d’être sans toi

C’est en parcourant ces vers du poète, et tant d’autres qui ne respirent qu’à travers le souffle de Paris, qu’une question vient à l’esprit : pourquoi donc nulle rue de la capitale ne porte-t-elle le nom de celui qui fut probablement le plus grand poète du XXe siècle, celui en tous cas qui depuis Victor Hugo a le plus chanté Paris, aussi bien dans ses romans que dans sa poésie ? Comment se fait-il qu’aucune personnalité politique ayant autorité en la matière n’ait voulu rendre cet hommage bien naturel à cet immense poète du peuple, dont les vers mis en musique par de grands artistes tels que Léo Ferré, Georges Brassens ou Jean Ferrat sont encore présents dans le coeur et sur les lèvres des parisiens ? Il y a plus d’un demi-siècle les poèmes d’Aragon se chantaient jusque dans les geôles des nazis, comme Gavroche scandait autrefois son fameux « c’est a faute à Voltaire » sous les balles des royalistes.
Et en chantant Paris ce sont tous ses poètes qu’embrasse Aragon dans son oeuvre, car une ville est définie par ses artistes ; c’est en eux qu’elle vit, qu’elle respire, qu’elle se métamorphose tout en gardant sa propre emprunte. Aragon part de « Je demeurai longtemps errant dans Césarée », et il en fait « Aurélien » ; Césarée devient Paris, dans laquelle Aurélien errera jusqu’à trouver sa Bérénice à lui, qui a pris le visage de noyée de l’inconnue de la Seine.
Les romans et la poésie d’Aragon sont emplis de la lumière et du rayonnement des écrivains de son siècle et des siècles précédents ; Chrétien de Troyes, Racine, Hugo, Flaubert, Nerval, Desnos et tant d’autres… Sans oublier le souci qu’avait le poète de découvrir et de faire connaître les jeunes artistes prometteurs qu’il rencontrait.
C’est la poésie du quotidien, la magie des détails et le fourmillement des rues de Paris qu’Aragon a l’art de révéler en si peu de mots.

O la Gare de l’Est et le premier croissant
Le café noir que l’on prend près du percolateur
Les journaux frais les boulevards pleins de senteur
Les bouches du métro qui captent les passants

Est-il possible de se promener dans Paris sans retrouver dans chaque quartier la trace du passage d’Aragon, sans avoir à l’esprit quelques unes de ses pages ou quelques uns de ses vers ? Peut-on lire Aragon sans se mettre à aimer Paris, ou aimer Paris sans être ému par Aragon ?
A la mort du poète, en 1982, on démolit son appartement parisien pour en faire des bureaux ; depuis, chaque réclamation faite pour donner le nom d’Aragon à une rue de Paris s’est vue finalement soldée par un refus, sans raison valable. Refuserait-on de reconnaître Aragon sous le prétexte de son engagement politique au sein du parti communiste, et ne voudrait-on voir en lui que l’homme de parti ? Comme chez Hugo, l’artiste et l’homme politique sont indissociablement liés et ancrés dans leur siècle et dans le mouvement des peuples.

C’est pourquoi nous demandons à Bertrand Delanoë, Maire de Paris, de donner à une rue de la capitale, et non seulement à une petite allée des Halles, le nom d’Aragon. Et pas n’importe laquelle ; la rue d’un quartier où le poète aimait errer et se promener, comme par exemple les environs de l’Opéra, en souvenir du « Paysan de Paris ».

Pour signer la pétition :

http://jesigne.fr/vers-une-rue-aragon-a-paris

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L. V.

Luc Vigier, maître de conférences à l'Université de Poitiers