Rencontre avec Béatrice Fontanel (Le Aragon chez Mango, 2006)
Patricia Principalli, « Béatrice Fontanel a bien voulu témoigner de son travail pour Le Aragon, qui s’explique par son propre parcours », février 2007
Une auteure
Poète (La Ménagère cannibale, Seuil, 2003, …), romancière pour la jeunesse (Gustave Taloche, roi de la bagarre,Actes Sud junior, 2005, …), documentariste (Au fil des saisons, Milan, 2004, Henri IV, Roi de tolérance, Gallimard jeunesse, 2006…), auteure à ce jour d’une quarantaine de titres, elle pratique l’écriture depuis longtemps.
Une assembleuse de mots et d’images
De longue date, Béatrice Fontanel part en quête d’illustrations (photos, dessins, reproductions de tableaux…) qui assortissent au plus près les textes qu’elle écrit (les documentaires par exemple) ou qu’elle réunit, généralement dans de « beaux livres » (Eloge des nuages, La Martinière).C’est « l’objet livre dans sa globalité » qui l’intéresse.
Cette caractéristique, qui relève d’une passion, fait la singularité et presque l’identité de cette auteure, et explique que Le Aragon lui ait été confié.
Le Aragon
Pour l’éditeur Palette, spécialisé dans les Beaux-Arts pour les enfants, qui édite désormais les albums Dada sous le label Mango, il allait de soi qu’Aragon devait être le prochain poète sur la liste de la collection, dans laquelle figurent par exemple Hugo, Rimbaud, Eluard.
C’est à Béatrice Fontanel, qui travaille régulièrement pour Palette (par exemple La Voix des masques, 2004) que cet album a été tout naturellement confié. Il s’est donc agi d’une part de sélectionner des poèmes, d’autre part d’y associer des illustrations.
Quelle approche des textes?
Elle s’est attelée à la (re)lecture des différents recueils d’Aragon, dans l’ordre chronologique, et y a (re)découvert, selon ses propres mots, « des merveilles ». Au fil de la lecture et selon le hasard des rencontres, elle a procédé à une première sélection par un système de post-it, puis de photocopies dans un deuxième temps.
Ce qui l’a frappée, c’est la « diversité des tons utilisés par le poète : drôle, gouailleur, lyrique, tragique… » C’est au final cet aspect-là qu’elle a voulu mettre en évidence dans cette anthologie : la multiplicité des facettes de cette poésie, de sorte que, « comme pour un instrument de musique, il ne manque aucune de ses cordes ».
Elle est ainsi parvenue à une sélection de 25 poèmes, et l’éditeur en a finalement retenu 19 selon le cadre habituel de la collection.
Si le dernier du recueil (« J’ai mis sa main dans la main de la Mort… ») s’imposait à cette place tout naturellement, pour les autres le parti-pris n’a pas été du tout chronologique, ni d’ailleurs concerté : c’est le graphiste-maquettiste qui, en fonction de la cohérence des doubles pages, a choisi la succession des poèmes.
Quels critères pour les illustrations ?
La sélection des images repose essentiellement sur les critères suivants :
-il allait de soi que devaient être représentés les artistes qu’Aragon aimait ou dont il a été proche, comme Man Ray, Matisse, Chagall…
-certaines images permettent de contextualiser les textes dans une certaine époque, par exemple Raoul Dufy pour « La rose du premier de l’an » ;
-pour certains poèmes, l’association s’est faite immédiatement avec un tableau, dégageant la même atmosphère ou le même sentiment : Albert Marquet pour « Quai de Béthune ».
Aragon peut-il vraiment être compris par les enfants ?
« Les textes puissants ont un point d’obscurité qui ne nuit pas à la compréhension ».
Mais à aucun moment, Béatrice Fontanel n’a sélectionné les poèmes en fonction du lectorat jeunesse, se laissant porter, selon son expression, par des « émotions successives ».
Il n’est cependant pas sûr que Le Aragon soit lu essentiellement par la jeunesse.
Et la notice biographique ?
Les sources en sont La Pléiade, et c’est l’auteure qui en a fait la synthèse en début d’album.
Quant à la couverture, elle reprend une photo de Man Ray, dont les ayants-droits ont accepté que le nœud papillon devienne rouge !
Aragon figure désormais parmi les poètes préférés de l’auteure avec Verlaine, Tristan Corbières et Pessoa.
Propos recueillis par Patricia Richard-Principalli (février 2007)