Compte-rendu du séminaire ERITA du samedi 11 mars

Publié par L. V. le

Compte-rendu du séminaire ERITA du samedi 11 mars

Matinée :

Présents : Béryl Lecourt, Suzanne Ravis, Lionel Follet, Bernard Leuilliot, Corinne Grenouillet, Patricia Richard-Principalli, Reynald Lahanque (Prés.), Léon Robel, Luc Vigier (secr.), Edouard Béguin, Maryse Vassevière.

Après avoir été entravés par des étudiants qui ont cru bon de bloquer notre passage alors même que promesse nous avait été faite la veille que les séminaires de recherche pourraient avoir lieu, nous avons pu trouver, grâce à l’aide amicale de Michel Bernard, vice-président de Paris III, un local pour nous réunir. Qu’il en soit ici remercié.

La matinée s’ouvre sur quelques questions d’actualités.

On évoque tout d’abord les trois journées d’étude à Paris III proposées par Maryse Vassevière et sur le principe général desquelles tout le monde tombe d’accord, dans la mesure où l’équipe ERITA serait « invitée » par le centre de recherche « Ecritures de la modernité ». Des réticences sont exprimées cependant par Suzanne Ravis à l’égard de la troisième journée qui doit être consacrée aux Lettres françaises. Bernard Leuilliot rappelle pourtant que, si des études générales existent, des pans entiers des Lettres françaises n’ont pas été lus et en particulier des articles d’Aragon. Corinne Grenouillet s’interroge sur la présence ou non de la Société des Amis lors de ces journées d’étude, à quoi SR répond que la SALAET n’est pas une association de chercheurs en tant que telle. BL signale par ailleurs l’existence d’un DVD (acheté d’occasion) reprenant deux films de Medvekine, dont Le bonheur qui propose en bonus un moyen métrage de Maïakovski (Bach Films, coll. « Les chefs-d’œuvre du cinéma russe »). BL indique également qu’un sonnet complet en prose est dissimulé-lisible dans la préface aux Trente-et-un sonnets de Guillevic.

Communication de Léon Robel sur La poésie aragonienne et le calembour (autre titre envisagé : « Art à gonds »)

Après avoir évoqué les articles et ouvrages qui ont étudié le calembour chez Aragon et chez d’autres auteurs puis rappelé les définitions stylistiques et rhétoriques du calembour, Léon Robel propose un relevé chronologique de certains calembours exemplaires présents dans l’œuvre poétique d’Aragon, montrant à quel point la pratique finalement sérieuse du calembour chez Aragon participe du processus de l’invention métrique et ce, d’un bout à l’autre de l’œuvre poétique.

Discussion : SR rappelle un calembour aragonien singulier, que l’on trouve dans Blanche ou l’oubli : « Elle lui fit cygne de la main ». Lionel Follet rappelle que la pratique du calembour existe chez Breton dès les poèmes du Mont de piété. BL déduit de l’intervention de LR qu’Aragon était un poète qui, au sens fort, s’écoutait parler et que les poèmes d’Aragon sont souvent écrits pour être lus, puisque certains calembours ne peuvent être perçus que par l’écrit. LV ajoute que certains calembours se font aisément chez Aragon à partir de la diérèse, l’un de ces jeux de mots étant particulièrement révélateur du jeu sonore ( Le Crève-cœur, radio / en rade Io). LV relève aussi dans la communication de Léon Robel l’idée d’un langage qui poursuit le trajet de sa propre dislocation et de sa déconstruction, en écho aux ravages de l’histoire et de l’âge, tout en proposant, simultanément, des effets d’agrégation créateurs. Par ailleurs, LV rappelle qu’on doit sans doute aussi se reporter aux analyses de Freud et de Lacan à ce sujet, dans la mesure où le calembour peut être compris comme un lapsus volontaire et par conséquent proposé à l’interprétation comme cellule sonore et sémantique équivoque à déchiffrer. Reynald Lahanque se demande quant à lui s’il n’y a pas là une résurgence d’une certaine forme de cratylisme. MV souligne la vertu métalinguistique du calembour.

Pause asiatique aux alentours de 12h30

Après-midi :
Présents : les mêmes, sans Lionel Follet.

Une erreur d’information ayant empêché Marianne Delranc d’être présente pour présenter son travail sur La Valse des juges d’Elsa Triolet, sa communication est reportée à octobre 2006 ou janvier 2007. On décide en conséquence de proposer à Béryl Lecourt, doctorante, d’exposer le sujet de sa thèse sur Le Monde réel qu’elle réalise sous la direction de Bruno Curatolo ( Université du Doubs, centre Jacques Petit).

Béryl Lecourt accepte d’évoquer rapidement ses recherches et quelques pistes de réflexion. Il s’agit pour BL de se poser la question de la pertinence de l’idée de « cycle romanesque » dans Le Monde réel, d’interroger les caractéristiques traditionnelles du cycle romanesque tel qu’a pu les définir C. Prado en les confrontant à la réalité de l’écriture romanesque aragonienne et à d’autres modèles actifs ( le réalisme socialiste) mais aussi de rester sensible aux effets de cohérence externes produits par ce qu’on pourrait appeler « le monde des rêves » ou encore le retour de la guerre. Il s’agit également de confronter le cycle aragonien, si tant est qu’il s’agit d’un cycle, aux autres cycles célèbres : ceux de Jules Romain et de Romain Rolland, par exemple. Ce rapide exposé déclenche des remarques chez RL, qui rappelle l’existence de cycle « réaliste socialiste » chez Wurmser, Daix et Stil. LV propose de s’intéresser aussi à la notion de « saga » chez Aragon tandis que MV indique qu’il peut être pertinent de s’interroger sur l’écriture de la succession des générations. B. Leuilliot met en garde contre l’idée du « projet » de cycle, qui se révèle souvent a posteriori chez les modèles de ce type de structure, comme Balzac et Zola. Chaque cas est différent, que l’on parle de Balzac, de Zola, de Jules Romains ou de Roger Martin du Gard. Chez Aragon, finalement, tout est inachevé. La cohérence de l’ensemble n’apparaît que dans le paratexte des années soixante. BL explique également que, selon lui, l’idée même du « retour des personnages » pose problème, étant donné que, d’un roman à l’autre, le lien est tout de même ténu. Le retour d’Aurélien Leurtillois dans Les Communistes par exemple, est tout à fait décoratif. MV remarque que chez Aragon, il s’agit surtout de rendre sensible le temps. LV se demande s’il ne s’agit pas de l’imitation d’un cycle romanesque, de marqueurs allusifs ou encore d’exigences éditoriales qui seraient venues de l’extérieur. SR et MV conseillent de se reporter aux manuscrits pour observer si les retours de personnages sont des ajouts ou non. BL remarque qu’il serait bon aussi de s’intéresser à ce qu’on pourrait appeler un « cycle stylistique »: il faudrait rechercher la cohérence stylistique du cycle. SR répond que le style n’est pas homogène, justement, dans Le Monde réel. Au total, tout le monde s’accorde sur l’intérêt d’un tel sujet de thèse. Ce qui fait naître dans l’esprit de notre président, illuminé par l’intervention de Léon Robel, l’aphorisme suivant: « Avant de lui jeter des fleurs, il faut savoir où le cycle amène ».

Divers sujets sont ensuite évoqués, dont la diffusion de Recherches croisées n°10 et le colloque « Aragon politique » qui devrait être publié aux PU de Strasbourg, avec participation financière importante d’ERITA. LV relance l’idée du colloque en ligne sur Aragon et le cinéma. On s’accorde sur l’idée d’une base de données (références), que SR s’engage à constituer et à actualiser, base à laquelle viendront s’ajouter les travaux de MV sur Aragon et Godard. On évoque enfin le retard pris par Gallimard dans la publication du tome IV des oeuvres romanesques complètes et des deux tomes de l’œuvre poétique d’Aragon dans la « Bibliothèque de la Pléiade ».

LV


L. V.

Luc Vigier, maître de conférences à l'Université de Poitiers