Charles Haroche par Suzanne Ravis, Marie Debs et Hervé Bismuth

Publié par L. V. le

Hommage à Charles Haroche

Nous venons d’apprendre la mort de Charles Haroche, le 23 février, à l’âge de 86 ans.
Le journaliste marocain Charles Haroche avait travaillé dans les années 1940 au journal Ce soir dirigé par Aragon, puis à France-Nouvelle, où il rédigea, jusque dans les années 1960, des critiques littéraires, ainsi qu’aux Lettres françaises, l’hebdomadaire d’Aragon, où il fit paraître des comptes rendus et des articles sur la littérature arabe francophone. Dans le bel article qui retrace sa vie et son action , et que vient de lui consacrer Patrick Apel-Muller dans « L’Humanité » du 24 février, il est rappelé l’admiration passionnée de Charles Haroche pour l’ensemble de l’œuvre d’Aragon, de « l’incendie de la jeunesse surréaliste » à « l’éblouissante nouvelle naissance » de la vieillesse, comme il l’écrivit à la mort du poète.
Charles Haroche seconda Aragon à partir de la fin des années cinquante pour le chantier du Fou d’Elsa : connaisseur en langue, littérature et culture islamo-arabes, il lui servit de documentaliste. La fin du travail sur le poème donna à Aragon l’occasion de lui confirmer son amitié et de lui témoigner sa reconnaissance en lui offrant certains des ouvrages qui étaient en sa possession et qui appartenaient à l’univers sur lequel, secondé par le journaliste, le poète avait travaillé durant plus de quatre ans. Dans ses dernières années, Charles Haroche eut la générosité d’en faire don, entre les mains de Michel Apel-Muller, à l’intention de la bibliothèque d’Aragon, où ils se trouvent aujourd’hui. En 1966, Charles Haroche publia chez Gallimard L’Idée de l’amour dans “Le Fou d’Elsa” et l’œuvre d’Aragon, malheureusement non réédité, ouvrage qui est resté près de quarante ans sans successeur. Son érudition dans le domaine de la civilisation arabe et de la poésie était grande.
. Les chercheurs ayant travaillé sur Le Fou d’Elsa, l’équipe d’ERITA et toute la recherche aragonienne savent bien la dette qu’ils ont envers Charles Haroche. Dans les années 1990, lorsque la recherche sur Le Fou d’Elsa a commencé à se développer, elle a pu le faire en particulier grâce à lui : déjà âgé, il nous reçut chez lui dans son admirable bibliothèque, et nous livra ses témoignages, en particulier la liste des ouvrages qu’il était allé chercher pour Aragon ainsi que ceux qu’Aragon lui avait donnés. Ces témoignages, cette liste, ont été publiés dans Recherches croisées N°5 (1994) puis dans Le Rêve de Grenade (1996), actes du colloque de Grenade d’avril 1994, auquel il avait assisté, nous livrant à cette occasion quelques témoignages oraux supplémentaires. Les thèses universitaires sur Le Fou d’Elsa d’Hervé Bismuth et de Marie Debs soutenues à Aix -en- Provence se sont appuyées sur ces données. L’essai sur Le Fou d’Elsa qui va paraître trente-huit ans après le sien (H.Bismuth, Un poème à thèses : Le Fou d’Elsa d’Aragon, Publications de l’ENS, Lyon, 2004) lui exprime une reconnaissance justifiée.
Tous ceux qui, à l’occasion de leurs recherches ou d’événements politiques et culturels, ont pu rencontrer Charles Haroche, n’oublieront pas sa générosité spontanée et la chaleur de son accueil. Pour certains de nous, il fut plus qu’un introducteur ou un informateur : un ami.

Hervé Bismuth, Marie Nassif-Debs, Suzanne Ravis


L. V.

Luc Vigier, maître de conférences à l'Université de Poitiers